LA RAISON ET LA CROYANCE

 La croyance peut être abordée sous différents aspects : on peut l'examiner comme un élément de la culture, sur le plan anthropologique, et elle est alors l'objet de l'examen rationnel. On peut aussi considérer dans quelle mesure l'objet de la croyance, et en l'occurence on étudiera surtout la croyance religieuse, peut être considéré par la raison.

 

I/ L'EXAMEN DE LA CROYANCE COMME PHENOMENE CULTUREL

 

A) Le respect religieux

 

1) Un sentiment

La crainte est un élément fondamental de tout sentiment religieux. Exemple : Lévi Strauss et les Nambikwara.

En même temps il y a un élément de fascination.

2) Objet du respect

Le religieux considère qu’il y a deux mondes, le profane et le sacré, qu’il y a une frontière entre les deux.

Cette frontière peut être spatiale, concerner des lieux ou des objets.

Le crime le plus grave pour quelqu’un qui est dans la croyance c’est la profanation et le sacrilège, c'est-à-dire ne pas respecter ces deux mondes.

 

B) Le rituel

 

Consiste à mettre en rapport le profane et le sacré.

Deux types de rituel : le magique et le religieux proprement dit.

La magie c’est chaque fois qu’on veut se servir du sacré à des fins profanes. Ex. Les poupées Vaudou.

La religion ne consiste pas à se servir du sacré à des fins profanes, elle consiste dans le fait de s’élever vers le sacré.
La formule de la magie c’est « que ma volonté soit faite » , la formule de la religion c’est que Ta volonté soit faite. Comme le dit Bergson, contrairement à la magie, la religion suppose le désintéressement.

 

C) La croyance à l’origine de l’organisation sociale

 

La famille repose sur un interdit religieux : la prohibition de l’inceste : les membres d’un même totem dit Freud sont ceux entre lesquels les relations sexuelles sont tabou.

Ce sont les religions qui sont à l’origine de ce qui est permis et de ce qui est autorisé.
La catégorie la plus ancienne de la permission et de l’interdiction, c’est avant le bien et le mal, le pur et l’impur.

Le problème central de toute société est par ailleurs la violence. C’est aussi la croyance qui résolvait ce problème, par le sacrifice.

 

D) Transformation du religieux.

Historiquement il y eut un avènement des monothéismes.

Les religions sont devenues concurrentes et intolérantes :

Leur nom l’indique :

Catholique : Universel

Protestants : Réformés, c'est-à-dire ayant effectué une réforme à leurs yeux nécessaires.

Orthodoxes : Droite voie, les autres voies sont tordues.

Musulman : Soumis a Dieu.

Tous les efforts modernes consistent à faire en sorte que malgré leurs différences les religions puissent s’entendre.

Autre effet du monothéisme :

Dieu est devenu un problème intellectuel.

Déjà avant le christianisme, il y avait un monothéisme intellectuel, chez Platon Aristote, Epictète etc. Un seul Dieu expliquant l’ensemble de l’univers est plus satisfaisant pour la raison, qui recherche l’unité..

Mais la raison qui soutenait Dieu en est venue à interroger son existence

 

II LA QUESTION RATIONNELLE DE L’EXISTENCE DE DIEU

 

A) Approche indirecte.

 

1) Discours des croyants sur les non croyants.

-Fréquente accusation d’une volonté de ne pas avoir de règle, le non croyant aurait la mesquinerie de ne vouloir que ses plaisirs.
- Plus grave, l’orgueil, le premier des péchés, et souvent l’origine des vices les plus graves. Dans la genèse, c’est par orgueil que l’humain pèche

- Pour Pascal, l’homme est irréligieux, parce qu’il ne se pose pas de question sur sa vie, qu’il ne pense pas à sa propre mort.

La façon dont il fait cela c’est le divertissement, le fait de penser juste à l’action future, juste à la prise avant qu’on l’ait obtenu.

La mort est traumatisante et très souvent l’humain n’y pense pas. Freud a montré que psychologiquement et inconsciemment tout le monde se croyait immortel, et même rationnellement l’humain ne peut pas penser qu’il ne pense plus.

Mais vivre sans penser à la mort, c’est ne pas considérer véritablement la vie dans toute sa dignité.

« Toute la dignité de l’homme est dans la pensée » dit Pascal et l’homme non religieux est coupable de ne pas penser à son existence.

« Voilà notre état plein de faiblesse et d’incertitude et de tout cela je conclus que je dois passer tout le reste de ma vie sans chercher à savoir ce qui doit m’arriver. Qui souhaiterait d’avoir un ami qui raisonne de la sorte ? » Pascal. Pour Pascal, le non religieux n’a pas besoin de croire en Dieu, parce qu’il n’a pas éprouvé le vertige qui saisit toute personne dès qu’elle pense vraiment à son existence. Le non religieux est alors indigne parce qu’il na pas vraiment pensé.

 

2) Discours des non croyants sur les croyants

- Bénéfice psychologique ambivalent

Freud double critique de la religion : La religion est une illusion. En ce sens où on est dans une illusion lorsque « dans la représentation de la réalité le désir est prévalent ».

Certes la religion est consolante, mais Freud pose la question « l’infantilisme n’est-il pas destiné à être dépassé ? »

Freud pensait également que la religion était pathogène. Elle augmente considérablement la puissance d’une structure psychique : le surmoi, qui représente les injonctions, et les interdits intériorisés. Le déséquilibre psychique est donc plus fréquent pour Freud, lorsque la religion intervient.

- Socioéconomique

Marx : Toute idée est l’expression d’une réalité économique. « La religion c’est l’opium du peuple ». C’est la drogue qui permet aux opprimés de supporter leur souffrance.

Marx combat la religion parce que pour lui elle est ce qui permet de supporter l’oppression. Il veut que l’oppression devienne insupportable pour que les pauvres fassent la révolution.

3) Critique unitaire de la démarche indirecte.

- Elle décrit des défauts humains probables :

- il est vrai que le non croyant est généralement un individu qui « ne se pose pas de question », et ce n’est pas au niveau exigible pour l’humain.

- Il est aussi vrai qu’il existe beaucoup de croyants dans l’illusion et que les églises ont souvent pactisé avec des pouvoirs oppresseurs.
Mais on ne peut soupçonner un grand philosophe comme Pascal de naïveté, pas plus qu’on ne peut soupçonner un Saint François d’Assise d’égoïsme.

- La grande critique à propos de cette démarche c’est qu’elle parle plus de l’homme, et pour en dire des généralités, que de Dieu

B) Approche directe.

 

1) La question des preuves.

Kant a montré ceci : une existence se constate, elle ne se démontre pas.

Mais le simple bon sens permet de deviner que jamais il ne sera possible de démontrer ou non l’existence d’un être, par définition en dehors de toute expérience. « Dieu est, Dieu n’est pas, la raison n’y peut rien déterminer ».Pascal

Kant ajouterait : ce n’est pas parce que nous ne pouvons pas connaître que nous ne pouvons pas penser. On pourrait même dire que c’est parce que nous ne pouvons pas connaître que nous devons penser.

2) Les arguments

Un argument principal qui est invoqué pour l’existence de Dieu, serait la trop grande complexité de la nature : le monde vivant serait trop organisé pour qu’il soit probable que seul le hasard y préside.
C’est la formule de Voltaire, je ne peux pas concevoir que cette horloge n’ait pas d’horloger. Rousseau dirait une chose approchante : croire que le monde soit le simple effet du hasard serait aussi absurde que de croire qu’en jetant un grand nombre de lettre au hasard, on puisse un jour obtenir un livre magnifique.

Cet argument s’oppose à la réalité du mal.

Certains ont bien conçu que le mal constituait une objection à l’existence de Dieu. Stendhal disait « Dieu n’existe pas c’est sa seule excuse ».

Il est vrai que l’histoire est bien l’histoire du mal et de la souffrance. Les religieux répondent : C’est de la faute de l’homme, c’est parce que l’homme a un libre arbitre que Dieu le laisse commettre le mal. Les guerres, les famines, les génocides, la torture, tout cela c’est l’homme et non pas Dieu. Dieu tolère l’intolérable, mais c’est le prix de la liberté des hommes.

Mais en ce qui concerne les maladies, l’homme en est victime, sans que personne ne soit coupable. L’enfant innocent qui souffre est une objection grave à la justice de Dieu, voire à son existence.

La religion répond principalement par des histoires édifiantes, dont celle de Job.

La croyance religieuse se condense donc souvent sur le problème du mal : l’athée considère qu’il s’agit d’une objection radicale à l’existence de Dieu, le croyant considère que c’est un mystère, mais que c’est aussi une des seules réalités qui prend en compte le problème du mal et le point de vue de

L’homme.

 

CONCLUSION

La croyance religieuse est une constante dans l’humanité, on ne connaît pas de culture sans religion. L’élément central de toute religion est une distinction entre un monde profane et un monde sacré, distinction que l’on maintient toujours. Le rite met cependant en relation ces deux mondes. Les religions ont structuré les sociétés, mais elles ont connu un bouleversement avec l’avènement du monothéisme. A partir de ce moment la croyance est devenue une question intellectuelle.

A cette question il ne peut y avoir de réponse définitive ou rationnelle, mais une argumentation demeure possible. Elle peut prendre plusieurs formes, mais très souvent l’argumentation religieuse se confronte au problème du mal. Pour le non croyant le mal demeure une objection radicale à l’existence de Dieu, pour le croyant le mal est un mystère auquel seule la religion donne un sens véritable.