LA TECHNIQUE 

  

D’une façon générale on parle de technique chaque fois qu’il s’agit de considérer les moyens de faire quelque chose.

La question qui s’oppose à la technique est la question éthique, c’est le problème qu’on considèrera à la fin.   

Il y a une autre façon de considérer la technique, c’est de l’opposer à la nature.

Il y a une autre qui cherche à considérer la particularité de production des objets que l'on nomme des objets techniques (en opposition peut-être avec des objets artisanaux) 

Plusieurs thèses :

- la technique est un mode de production spécifiquement humain.

- Dans les productions humaines on peut considérer un sens étroit de la technique (pour la distinguer de l'artisanat entre autres)

- La technique correspond à une façon de pensée qui peut expliquer le caractère ambivalent de la technique 

 

 

 

  

  

I/ LA TECHNIQUE ET LA PRODUCTION NATURELLE  

 

 

 

A) Référence au mythe 

Mythe de Prométhée dans le Protagoras de Platon : vol aux dieux du feu et de la technique.

Ce que nous apprend le mythe c’est que la technique n’est pas naturelle, que la façon dont l’homme vit n’est pas la même que celle de l’animal : l’animal trouve sa subsistance, l’homme produit les moyens de sa subsistance.

 

 

 

 

B) Différences structurelles de la technique et de l'adaptation naturelle.

 

1) La diversité

Déjà les animaux agissent en fonction de leur instinct, les hommes se forcent pour trouver des solutions techniques comme le montre vidéo de castor

Les animaux montrent qu’ils agissent naturellement parce que leur action est uniforme : un castor fait bien un barrage, ce qui peut sembler technique mais ne l’est pas, parce qu’il fera toujours le même barrage. C’est inné. En revanche toutes les constructions humaines seront différentes.

 

 

 

2) La représentation

 

Lorsque l’animal s’active il le fait toujours de la même façon parce qu’il ne pense pas à ce qu’il va faire. L’humain, avant de construire une habitation par exemple, pense d’abord à ce que sera l’habitation, il fait un plan.

« Le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur » Marx

 

 

 

2) L’outil

Comment distinguer l’instrument animal et l’outil humain.

Un instrument animal est possible, il peut même être adapté, mais il n’est pas changé dans sa structure : on ne lui impose pas une forme extérieure. On reconnaît qu’il y a eu un humain sur un terrain en ce que des outils sont retrouvés.

Ce qu’est une forme : la rencontre entre une pensée et une matière : le couteau est la rencontre entre la pensée de couper et une matière quelle qu’elle soit : pierre métal etc.

Autre différence : le rapport à l’outil n’est pas le même que le rapport à l’instrument :

« L’outil préexiste à l’occasion d’usage et est conservé en vue d’un usage ultérieur » Leroi-Gourhan

De façon plus nette, un outil est transformé, pas seulement adapté et surtout il est un outil "secondaire" c'est à dire qu'il a fallu, pour le faire un autre outil (le percuteur par exemple pour donner la pierre taillée) "l'intelligence, (...) est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils " Bergson 

 

 

C) Transformation du monde et de l'homme par l'activité technique  

  

1) Transformation du monde 

 

· Opposition évolution naturelle et adaptation technique. L’homme n’attend pas qu’une mutation hasardeuse et une sélection l’adapte à son environnement, il adapte son environnement à ses besoins, son évolution est donc technique, pas naturelle.

· L’homme inscrit dans le monde des formes qui n’y étaient pas auparavant. Il est le seul animal à véritablement changer le monde par la technique.

· Rousseau montre la diversité de la technique humaine par rapport à l’animal, qui n’évolue que très lentement : « un animal est au bout de quelques mois, ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce au bout de mille ans, ce qu’elle était la première année de ces mille ans ».

 

2) L’activité technique transforme aussi l’homme lui-même.

 

- Acquisition de vertus particulières

Dans un objet technique, un objet artisanal par exemple, on voit la patience, la délicatesse et la minutie de celui qui a travaillé à le réaliser. Mais l’individu créateur lui-même a par ce biais, une image objective de lui-même, parce qu’il a dans cet objet la matérialisation de certaines de ses qualités. Voilà pourquoi le travail technique est une façon de se connaître soi-même. 

 

 

 

 

 

II/ DISTINCTION ENTRE LA TECHNIQUE ET LES AUTRES ACTIVITES HUMAINES

 

A) tentative de rupture historique

La machine serait ce qui ferait passer de la production artisanale à la technique proprement dite. La machine diffère ainsi de l’outil. « L’outil le plus perfectionné ne peut guider ou remplacer la main ; la machine la plus primitive la guide et parfois la remplace tout à fait » Hannah  Arendt. Les ruptures historiques seraient trop multiples pour permettre une distinction nette.

 

B) La technique et la magie

 

Pour le magicien il y a un résultat sans travail, pour un technicien tout résultat demande un travail.

La technique est donc une maturité par rapport à la magie, c’est comprendre que par exemple « l’océan ne me veut ni bien ni mal » comme le dit Alain, que la pluie ne tombe ni pour me faire plaisir ni pour m’embêter. C’est aussi comprendre que si on veut quelque chose, le seul moyen de l’obtenir c’est d’y travailler.

La grande différence entre technique et magie, c’est l’efficacité.

 

 

 

C) La technique et l'artisanat

· Un artisan sait toujours à quel fin il agit et produit : un cordonnier fait toujours des chaussures. C’est un producteur responsable

La logique de l’artisanat c’est le besoin. Un artisan satisfait des besoins par son travail.

· La logique de la technique est très différente. Il s’agit de commencer par l’invention d’un procédé et ensuite d’imaginer les applications possibles. C'est pour cela que la science fiction, comme genre est contemporaine d'un mode de production devenu autre qu'artisanal (technico industriel)

· En conséquence le technicien est parfaitement irresponsable parce qu’on pourra toujours trouver des applications qu’il n’avait pas prévu.

 

 

 

 

III/ MISE EN CAUSE DE LA TECHNIQUE

 

A) Mise en cause traditionnelle et mythique.

 

Certaines critiques de la technique se fondent sur une nature fantasmée. Ce fantasme est manifeste dans son utilisation publicitaire.

Les critiques sont du genre : « on a offensé la nature », et lorsqu’un cataclysme intervient certains disent « la nature se venge ». On parle aussi d’apprenti sorcier pour le technicien qui tenterait de comprendre des forces qui le dépassent.

Le problème de ces critiques est qu’elles personnalisent la nature, et que cette personnalisation est un fantasme, « la nature » n’est ni bonne ni mauvaise. Lorsque Nietzsche en parle il dit que c’est « l’indifférence muée en puissance ».

 

B) Mise en cause de la pensée technique

 

1) Absence de maîtrise.

Gunter Anders parle du technicien comme d'un apprenti sorcier, il peut commencer un processus, il ne peut pas l'arrêter. (On ne peut stopper une consommation de carbone qui entraîne un réchauffement catastrophique)

 

2) Infraction au principe de responsabilité et de précaution.

Le principe de précaution prévoirait les conséquences, mais les OGM par exemple perturbent des écosystèmes sans que les connaissances soient prévisibles

Principe de responsabilité

Hans Jonas : Le principe consisterait à ne pas avoir une activité qui empêche les générations ultérieures d’avoir une activité ou des chances comparables. Le développement technique enfreint ce principe.

 

3) La pensée instrumentale

Elle fait en sorte que nous ne soyons plus entourés que d’objets utiles, c'est-à-dire qui n’ont aucune valeur en eux-mêmes. Ce qui disparaît ce sont les œuvres c'est-à-dire, comme le dit Hannah Arendt des paroles, des actes, des objets, qui mériteraient de durer.

Ce que la technique nous fait également oublier c’est la nature, en ce qu’elle ne la considère que comme une réserve d’énergie potentielle, c’est ce que dit Heidegger en parlant du fleuve qui n’est vu par le technicien que comme une réserve d’énergie hydraulique.