Introduction   

 

Socrate et les sophistes  

 

Gorgias est un sophiste, mais un dialogue sera consacré plus spécifiquement à la personne du sophiste, Le Sophiste, justement.   
Le sophiste est un terme générique qui comprend des individus très différents, de Protagoras à Hippias. Les sophistes peuvent être assimilés à des séducteurs du peuple, des démagogues, qui connaissent les peurs et les désirs du peuple et peuvent ainsi le manipuler. "Ils [les sophistes] ressemblent en tout point à quelqu'un qui, chargé d’élever un animal gros et fort, se serait informé en détail de ses instinctifs et appétits." République VI 493a  

 

Le relativisme sophistique et le dogmatisme platonicien    

 

Plus profondément ils ont un rapport différent de Socrate à la vérité. La formule clé pourrait être celle de Protagoras : l'homme est la mesure de toute chose". Socrate la caricature en partie, il la transforme en " A chacun son opinion". La caricature n'est pas si exacte : Protagoras, contrairement à Platon, est un vrai démocrate, il ne parle pas de chacun, mais de l'opinion générale : c'est au citoyen, dans une assemblée, qu'il convient de prendre des décisions pour la cité, sans se référer à quelque vérité au-delà de l'homme. C'est pourquoi la vérité d'une cité n'est pas la vérité d'une autre cité. En cela Protagoras, et Gorgias encore davantage est un sophiste, il fait de la vérité au même titre que la justice, que la morale, et de même que ce qui est juste pour une cité n'est pas juste pour une autre, ce qui est vrai pour une cité n'est pas juste pour une autre. C'est bien le conflit majeur avec Platon qui lui pense que le vrai est vrai (les mathématiques sont absolues), c'est pourquoi il affirme dans les Lois (716c) : “C’est le dieu qui est la mesure de toutes choses”. Mais il affirme en plus (ce qui fait de lui un dogmatique pratique cf. Comte Sponville)  que le juste est juste comme deux et deux font quatre, le méchant n'est alors qu'un ignorant.   
Conséquence politique de la sophistique  

 

Pour le sophiste, en conséquence, c'est à l'assemblé du peuple, l'ecclésia, de déterminer ce que telle ou telle cité va considérer comme vrai ou comme faux. C'est le principe même de la démocratie athénienne : chacun a un égal droit de parole et peut participer aux délibérations publiques. Ὅμοιοι Ἴσοι    

 

C'est dans ce contexte que se développent les deux parties de l'art oratoire: la rhétorique qui est l'art de persuader par la parole, et la sophistique proprement dite qui est la capacité à paraitre savoir ce que l'on croit ignorer.  

 

Le discours et le dialogue  

 

Le sophiste, pour faire émerger la vérité du peuple a donc besoin d'une assemblée. Pour parvenir à la vérité, Socrate récuse tout autre intervenant que l'interlocuteur. C'est la place centrale, et nouvelle du dialogue. Pour Socrate, ce n'est pas le nombre qui fait la vérité, on peut avoir raison contre la majorité, et même contre tous. C'Est-ce que dira Socrate à Polos « Si je ne te produis pas, toi tout seul comme témoin, j’estime n’avoir rien fait qui vaille pour mener à terme notre débat » Gorgias 472c  Ce qui fait une grande originalité de Socrate, et sa modernité, c'est cette abandon d'une vérité comme inscrite dans une sociabilité, la revendication, pour un individu de rechercher la vérité par sa propre initiative, La pensée est "un discours que l'âme se tient à elle-même" le Théétète  189e  de ne considérer comme critère que la seule raison.   

 

  

 

Les personnages du dialogue  

 

  

 

Gorgias   

 

On sait qu'il arrive à Athènes comme ambassadeur, et qu'il fut un personnage adulé. On connaît peu de textes de lui. Celui qui le révèle le mieux est peut-être son "Eloge d'Hélène". Le personnage d'Hélène est unanimement désavoué en Grèce, c'est elle qui a provoqué la chute de Troie par sa légèreté et son infidélité. Gorgias veut montrer son habileté : il pourrait même défendre le personnage le plus contesté de la tradition Grecque (un peu comme ces avocats qui se font fort de faire acquitter même les plus condamnables). Dans le même esprit Protagoras faisait des Antilogies, c’est-à-dire des essais dans lesquels il faisait en sorte de démontrer une thèse puis son contraire. Le rapport du sophiste à la vérité est donc bien un rapport de convenance. Ce qui importe au sophiste, c'est de persuader, la rhétorique est une façon de conduire les esprits, une psychagogie dira Gorgias, et ce en employant le pouvoir de la parole.  

 

Polos est un disciple de Gorgias. Il est malhabile, passionné, il cherche à défendre la rhétorique comme un amant défendrait l’objet de sa passion « c’est un jeune poulain plein de fougue » 463c.  Il demeure encore dans une certaine forme de respectabilité : il affirme qu'il est laid de commettre l'injustice, il ne peut aller contre l'opinion commune. Calliclès affirmera au contraire, qu'en fonction de la nature, il est juste que les plus forts s'imposent aux plus faibles.   

 

Calliclès est  l'interlocuteur principal de Platon, c'est peut-être de tous les personnages des dialogues platoniciens celui qui a le plus de présence et de modernité : il est d'une grande brutalité également. Il donne cependant la vérité de la sophistique, celle qui n'apparaissait pour Platon, qu'en filigrane chez Protagoras et Gorgias. Il est purement cynique au sens moderne, il ne respecte ni la démocratie ni la vérité, il n'a de considération que pour la force qui permet de s'imposer à la foule. C'est un ambitieux égoïste. Il donne vie au dialogue par son caractère mais il demeure inquiétant : il annonce même le procès et la mort de Socrate : " on te condamnerait à mort pour peu que ton accusateur ait la moindre envie que tu meures” (486ab)   

 

 

 


             

 

  

 

COMMENTAIRE 

 

 

 

PREAMBULE 

 

 

 

Déjà distinction entre ce que Socrate cherche et ce que Gorgias prétend : Socrate Je voudrais savoir de lui quelle est la vertu de son art et en quoi consiste ce qu’il professe et enseigne.447c

 

Trois éléments qui permettent de caractériser un art. (Attention à la définition de l’art pour Platon)  

 

Gorgias répond : il invitait tout à l’heure ceux qui étaient céans à lui poser toutes les questions qu’il leur plaisait et il s’enga­geait à répondre à toutes.

 

Déjà dans ce premier échange il y a une différence de conception : Socrate cherche la définition véritable d’un art par les trois caractérisations sus nommées, Calliclès parle en termes de puissance rhétorique.  

 

Remplacement des interlocuteurs : Chéréphon prend la place de Socrate, Polos celle de Gorgias.  

 

Questionnement Socratique de Chéréphon pour déterminer quel est la nature de l’interrogation correcte sur une activité: Chéréphon cherche à savoir ce qu’est l’art de Gorgias, il compare donc à deux professionnels dont l’activité est clairement assignable Hérodicos, frère de Gorgias, médecin et Aglaophon frère d’Aristophon est peintre.  

 

Polos répond dans un style choisi (Platon pastiche probablement Polos) : l’art qu’il possède est le plus beau. 448d

 

Ce n’est pas une  c’est la critique que fait Socrate : Polos répond en rhéteur, c’est-à-dire qu’il fait l’éloge de ce qu’on lui demande de définir, d’où la demande de Socrate : que Gorgias réponde par lui-même. 448 

 

 

 

I DIALOGUE ENTRE SOCRATE ET GORGIAS 

 

(449a- 461b) 

 

 

 

 1) Tentative d’interrogation directe, qu’est-ce que la rhétorique → 454 e

 

 

 

- Réponse de Gorgias à Socrate 449a : son art est la rhétorique, Il faut donc t’appeler orateur.  
- Enoncé des règles du dialogue  par Socrate : questions et réponses brèves. 

 

 Par ce biais, Socrate désarme Gorgias : la réflexion sur la rhétorique n’est pas de la rhétorique, cette exigence masque une critique, la rhétorique s’ignore elle-même.  

 

- Interrogation sur l’objet de la rhétorique  

 

- Réponse de Gorgias, l’objet ce sont les discours 449e 

 

- Reprise du questionnement : sur quoi portent ces discours ? Et objection de Socrate il en est de même, Gorgias, des autres arts : chacun d’eux a pour objet les discours relatifs à la chose sur laquelle il s’exerce.450b Ainsi médecine aussi, à ce qu’il paraît, a pour objet les discours comme la gymnastique produisent des discours sur elle-même, la rhétorique n’aurait donc aucune spécificité.  

 

- Gorgias dans les autres arts, c’est à des travaux manuels pour le rhéteur « tous ses actes et tous ses effets sont produits par des discours »

 

- Distinction par Socrate entre les arts qui utilisent la parole et dans quelle mesure.   

 

 Le sculpteur ne parle pas, le mathématicien ne fait que cela.  
- D’où l’objection de Socrate : la géométrie est un art du discours, et cependant le rhéteur n’est pas un géomètre. je ne pense pas que tu appelles rhétorique ni l’arith­métique, ni la géométrie ?

 

- La question rebondit donc : « Sur quel objet portent les discours dont la rhétorique se sert ? » 451d  

 

Réponse de Gorgias encore qualitative : « Sur les plus importantes des choses humaines et des meilleures » 

 

- Insatisfaisant pour Socrate : chaque praticien en effet prétendra que son art est le meilleur, et il prend trois exemples : le médecin, l’entraineur et le financier.  

 

- Réponse de Gorgias : Gorgias : le bien suprême, c’est la maîtrise de la conviction (πείθω) qui donne le pouvoir dans les tribunaux comme à l’Assemblée (452e). Plusieurs assemblées en Grèce 

 

Encore une fois Gorgias ne donne pas la qualification précise de la rhétorique, il parle de la puissance qu’elle confère, et en terme de supériorité, du pouvoir qu’elle accorde : « si tu disposes d’un tel pouvoir, tu feras ton esclave du médecin (…) et pour ce qui est de l’homme d’affaires, il aura l’air d’avoir fait de l’argent, non pour lui, mais pour toi » 452e 

 

- Objection de Socrate : d’autres art produisent un sentiment de conviction, encore une fois l’arithmétique le fait 453e, il faut donc distinguer plusieurs sortes de convictions.  la rhétorique n’est pas la seule ouvrière de persuasion.

 

- Gorgias répond par le lieu d’exercice de l’art : cette persuasion est celle qui se produit dans les tribunaux ou assemblées, on peut aussi traduire par foule. La démocratie athénienne s’exerçait en effet dans des tribunaux, ou des assemblées, dont le nombre des participants pouvait concerner tous les citoyens (dans l’ecclésia) ou un nombre restreint dans le conseil de 500 (la boulè) ou le tribunal populaire l’Héliée  Ici, Socrate parle de « ochlos, όχλος », la foule, ce qui montre le peu d’estime pour la démocratie de la part de Platon. 

 

- Socrate reformule son questionnement : il distingue croire et savoir, et donc « Te semble t il que savoir et croire, la science et la croyance, soient choses identiques et différentes ? » 454e p.143

 

- De l’aveu même de Gorgias, la rhétorique, lorsqu’elle s’applique fait croire que le juste est ceci ou cela, elle ne le fait pas connaître, elle est l’ouvrière de la persuasion qui fait croire, non de celle qui fait savoir relativement au juste et à l’injuste 

 

 

 

2) Questionnement sur la compétence du rhéteur à458c 

 

Socrate demande alors, puisque le rhéteur ne semble pas être un spécialiste en quoi que ce soit, de quelle façon pourrait-il conseiller ? Ce n’est pas lui non plus que l’on consultera, s’il s’agit 455b-456b de construire des remparts ou d’installer des ports ou des arsenaux, mais bien les architectes

 

 

 

Gorgias répond par un exemple : ces arsenaux et ces remparts d’Athènes et l’organisation de ses ports sont dus en partie aux conseils de Thémistocle présente alors justement le rhéteur celui qui peut faire triompher le point de vue du spécialiste, les orateurs sont ceux qui « font triompher leur point de vue » 456a ceux des spécialistes. Ils sont la forme antique du conseiller en communication. Exemple extrême de Gorgias : Il a lui-même aidé un médecin pour « quelqu’un de leurs malades qui refusait de boire une potion ou de se laisser amputer »

 

Le pouvoir du rhéteur est tel qu’il pourrait se faire passer pour spécialiste, j’affirme que le médecin ne comptera pour rien et que l’orateur sera préféré

 

Il préfigure par-là la critique de Socrate à l’égard de la rhétorique. Socrate ne conteste pas sa puissance, mais justement il la critique pour sa puissance. 

 

- Gorgias précise cependant : la rhétorique est un art de combat, dénie toute responsabilité pour un mauvais usage de la rhétorique.  ce n’est point l’art non plus qui est responsable de ces écarts et qui est méchant, c’est, à mon avis, ceux qui en abusent

 

Gorgias croit avoir terminé sa défense de la rhétorique par un beau discours, mais Socrate commence par demander le respect d’une convention qui brise justement le pouvoir de la rhétorique : le souci du vrai. L’important pour lui ne sera pas de réfuter ou d’être réfuté mais bien de parvenir à la vérité « il ne me plaît pas moins d’être réfuté que de réfuter » 458a. C’est donc le contraire de l’éristique du sophiste.  

 

 

 

3)  Piège de Socrate et réfutation de Gorgias 458c -461b

 

 

 

La réfutation va porter sur la qualité pédagogique de l’orateur : Gorgias ne va pas pouvoir soutenir que, comme éducateur, il ne peut apprendre aux gens à être justes.

 

Gorgias est un pédagogue : Tu es capable, dis‑tu, de former un orateur,

 

Ce qu’il enseigne ce n’est pas à être persuasif devant le savant , devant ceux qui savent, l’orateur sera certaine­ment moins persuasif que le médecin , mais devant les ignorants

 

 Ainsi l’ignorant parlant devant des ignorants sera plus propre à persuader que le savant.  ais pour ce qui est du juste et de l’injuste, peut-il également se faire passer pour un homme de bien sans l’être, est-ce que la pratique de la rhétorique ne lui enseignera pas à être aussi un homme juste ?  Toi, qui es maître de rhétorique,  feras‑tu en sorte que devant la foule il ait l’air de savoir tout cela, quoiqu’il ne le sache pas, et qu’il paraisse honnête, quoiqu’il ne le soit pas ?

 

Le piège consiste dans le fait que Gorgias ne peut pas assumer qu’il n’apprend pas à être juste : « Si quelqu’un ne connaît pas ces notions [les notions morales] il les apprendra chez moi ». 460a

 

Socrate n’a aucun mal alors à réfuter Gorgias : si l’orateur enseigne  la justice, alors celui qui apprend la rhétorique se conduira avec justice. Or Gorgias a admis auparavant que l’on pouvait se servir de la rhétorique pour être juste ou pour ne pas l’être. Gorgias se trouve donc dans une contradiction que Socrate résume : il est contradictoire /  tu vois toi-même que nous reconnaissons au contraire que l’orateur ne peut user injustement de la rhétorique ni consentir à être injuste.461a) et de dire en même temps « qu’il est impossible qu’un orateur se serve injustement de la rhétorique » 461a p.156.  

 

C’est cette mise en contradiction qui va justifier l’intervention de Polos.  

 

 

 

II/ DIALOGUE ENTRE SOCRATE ET  POLOS (461b-481b) :  
                       

 

  A- LA RHETORIQUE SELON SOCRATE UNE FLATTERIE 461 b- 466b 
Polos est impétueux. C’est un orateur passionné mais il n’est pas, comme Calliclès, un sophiste « décomplexé », se moque ouvertement de la justice et de l’injustice. Pour Polos Gorgias a cédé par pudeur ». Personne ne pourrait avouer ne pas connaître ce qu’est la justice. Car qui peux‑tu croire qui avouera ne pas connaître lui-même le juste et ne pouvoir l’enseigner aux autres ?

 

-  En revanche pas de rigueur. Il se laisse mener par l’entretien, lorsque Socrate lui laisse le choix d’être interrogateur. Socrate reformule ses questions  maintenant choisis ce qu’il te plaira, d’inter­roger ou de répondre

 

 

 

1) La question de la rhétorique comme art  

 

« Me demandes- tu quelle sorte d’art elle est selon moi ? » 462b Le terme grec pour art est technè, τέχνη, mais il ne s’agit pas seulement d’une technique au sens moderne, il s’agit de ce qui permet une action efficace et méthodique.  

 

- Rejet de Socrate : Je ne la tiens pas pour un art  Il s’agit d’un « savoir-faire » (empeiria). Un art véritable, comme la médecine ou la législation suppose une connaissance véritable. En revanche un « savoir-faire » ou une aptitude acquise par la seule expérience, ne se connaît pas elle-même, ne correspond à aucun savoir véritable, c’est un bricolage élaboré au fil des expériences, comme  tout savoir-faire, comme la cuisine. Il y a donc une radicale infériorité entre le savoir-faire issu de la pratique, que même les animaux peuvent avoir en partie, et technique véritable éclairée par l’idée. La préoccupation de Polos demeure de faire l’apologie de la rhétorique : Socrate réduit la rhétorique à n’être qu’une routine destinée à procurer de l’agrément. 

 

 

 

2) Question de la « beauté » de la rhétorique : la rhétorique comme flatterie 

 

Polos répond « Alors ne trouves-tu pas que c’est une belle chose que la rhétorique, si elle est capable de procurer du plaisir ? » 462d. La seule préoccupation de Polos semble bien n’être que la défense passionnée de la rhétorique, pas la détermination de ce qu’elle est.  

 

Le rapprochement de la rhétorique avec la cuisine semble être provocateur, il ne l’est pas dans les faits. Tous deux appartiennent à une même forme d’activité : la flatterie. C’est une attaque bien sûr, la flatterie (kolokéia) est une bassesse d’âme. La rhétorique comme la sophistique, l’esthétique et la cuisine sont des flatteries parce qu’elles ont pour but le plaisir, qu’elles ont l’air d’être des techniques mais qu’elles n’ont sont pas, elles sont des simulacres de techniques.  

 

En ce qui concerne la rhétorique elle est, la rhéto­rique est le simulacre d’une partie de la politique.463d

 

Pour expliquer cela Socrate à Gorgias (il y a un changement d’interlocuteur)  

 

- Recours au dualisme entre l’âme et le corps pour expliquer statut de rhétorique comme art.  

 

Pour chaque partie, âme et corps, il y aura un entretien véritable et un simulacre d’entretien.  

 

Tout ce que Socrate appelle « la flatterie » est un jeu de dupe et de masque, où l’on fait croire avec l’appât du plaisir, qu’on travaille pour le bien : l’esthétique (kosmotikê) fait plaisir en simulant la beauté du corps (au lien que le gymnaste travaille à sa beauté réelle), le cuisinier flatte les sens alors que le médecin travaille au bien réel du corps, à sa santé. Bien sûr devant des enfants ou des imbéciles, les cuisiniers auraient toujours la préférence face au médecin. ce que la cuisine est à la médecine, la rhétorique l’est à la justice 465 c 

 

En passant à l’âme on peut déterminer ce qu’est la rhétorique:  « elle correspond pour l’âme à ce qu’est la cuisine pour le corps »

 

 

 

. On peut le résumer par le tableau suivant : 

 

 

CORPS 

AME 
Politique 

 

Entretien 

Soin 

Entretien 

Soin 

Art 
(modèle) 
Tekhnê 

Gymnastique 
gumnastikê 

Médecine 
iatrikê 

Législation 
nomothetikê 

Justice 
Dikaiosunê 

Savoir-faire 
(Empeiria) 
Simulacre 
(eidôlon) 
Flatterie 
(Kolax) 

Esthétique 
Toilette 
kosmotikê 

Cuisine 
opsopoikê 

Sophistique 
sophistikê 

Rhétorique 
rhêtorikê 

 

 

 

Tableau emprunté au site de Jacques Darriulat.  

 

 

 

B LA PUISSANCE ET LE BONHEUR DES SOPHISTES 466b-472d
 

 

1) Opposition entre Socrate et Polos sur la puissance des sophistes 466b-468e 

 

 

 

Socrate affirme impuissance paradoxale des sophistes «  si tu entends que la puissance est un bien pour qui la possède »  

 

- Glissement du sens à partir de la considération de la rhétorique comme flatterie  

 

« tu crois que les bons orateurs sont regardés dans les cités comme des flatteurs et, comme tels, peu considérés ? » Polos 466b 

 

 

 

- Affirmation de leur puissance par Polos : ils peuvent nuire à qui ils veulent  

 

- Pour Socrate ce n’est pas une véritable puissance, au contraire. L’argumentaire de Socrate : les sophistes font certes ce qu’ils croient être le mieux, mais ils se trompent sur cela, donc ils ne sont pas vraiment puissant et ne font pas ce qu’ils veulent. « ils ne font presque rien de ce qu’ils veulent, quoiqu’ils fassent ce qui leur paraît le meilleur. » 466e 

 

- Ce n’est pas un bien pour quelqu’un « de faire ce qui lui paraît le meilleur, s’il est privé de raison, » 

 

- Démonstration de l’impuissance des sophistes par Socrate :  

 

- Faire ce qui nous plait peut nous nuire, et comme on veut notre bien on ne fait pas ce qu’on veut. . 

 

Tout ce que nous faisons nous le faisons en vue d’une fin « Si l’on fait une chose en vue d’une fin, on veut, non pas ce qu’on fait, mais la fin en vue de laquelle on le fait. » 467c 

 

On fait même le mal aux autres parce qu’on pense que c’est notre bien mais si cela nous porte préjudice, alors on n’a pas fait ce que l’on voulait. Polos concède 

 

« 468 e J’avais donc raison de dire qu’un homme peut faire dans un État ce qu’il lui plaît sans posséder pour cela un grand pouvoir ni faire ce qu’il veut. » 

 

 

 

2) Le plus grand mal est de commettre l’injustice. 468 e - 472a 

 

Interpellation de Polos : Toi Socrate n’aimerais pas mieux avoir la liberté de faire dans l’État ce qui te plairait

 

Paradoxe : le plus malheureux c’est celui qui tue injustement. Polos rappelle à l’évidence : le grand malheur est de subir l’injustice. Refus de Socrate parole magistrale :  

 

« s’il me fallait absolument commettre l’injustice ou la subir, je préférerais la subir plutôt que de la commettre. » 469e 

 

- Pour Polos seul le fait d’être possiblement puni est la norme de ce qui est mauvais.  

 

- Socrate : ce qui détermine le bien et le mal dans un acte est sa justice ou son injustice. 

 

- Tentative par Polos, de réfutation par l’exemple pour « démontrer que les gens injustes sont souvent heureux. » 470b Archélaos. Description par Polos de l’évidente injustice d’Archélaos et de son impunité. 471c 

 

- Refus de l’argument par Socrate que Polos accuse de mauvaise foi tu y mets de la mauvaise volonté, car au fond tu penses comme moi.

 

 

 

3)  Digression de Socrate sur le dialogue 472a à d 

 

L’argument de Polos est que « tout le monde serait d’accord avec lui » logique d’une rhétorique de tribunal. Opposition de  Socrate : « Moi, au contraire, si je ne te produis pas toi-même, et toi seul, comme témoin, et si je ne te fais pas tomber d’accord de ce que j’avance, j’estime que je n’ai rien fait qui vaille pour résoudre la question qui nous occupe

 

 

 

 

 

C) LE SEUL BIEN EST LA JUSTICE  472d - 481b 

 

 

 

1)  Point d’achoppement du dialogue : l’injuste heureux pour Polos, pas pour Socrate. 472d 474c 

 

Point culminant du paradoxe : L’injuste l’homme qui commet une injustice (…) est plus malheureux encore s’il n’est point puni et châtié de son injustice, 472d 

 

Polos montre à Socrate l’horreur d’un homme mis à la torture  pour lui montrer que subir l’injustice est pire que la commettre en 473c Monstre pour enfant Mormô, un épouvantail, pas un argument selon Socrate.  

 

Polos en appelle toujours au nombre : « Interroge plutôt un quelconque des assistants  ». ( De fait n’importe qui préfèrerait faire subir la torture que la subir.) Même objection de Socrate qu’en 472 : « je ne sais produire, en faveur de mes assertions, qu’un seul témoin, celui-là même avec qui je discute  ». 

 

Le dialogue semble bloqué : Socrate soutient qu’il est pire de commettre l’injustice que de la subir, Polos l’inverse.  
 

 

2) Le beau et le bien (tentative d’assimilation par Socrate pour réfuter Polos) 474c – 477d 

 

 

 

Polos concède que le crime est vilain, mais distingue beau et bien, laid et mal. 

 

Déterminer un critère de la beauté : est plus belle la chose « d’un certain plaisir ou de leur utilité  » 475b. Le laid est le douloureux et le mauvais  (contraire d’utile), il est pénible de contempler de la laideur.

 

Etrange critère esthétique, mais qui trouve son sens dans une assimilation à une forme de laideur morale : qu’il est plus mauvais de subir l’injustice et plus laid de la commettre 

 

Commettre l’injustice n’est pas douloureux, c’est donc mauvais.  

 

De 475a à la fin du dialogue avec Polos, Socrate ne fait que montrer une contradiction déjà en germe dès que Polos a admis que commettre l’injustice était laide.  

 

Il reste à montrer à Socrate que la laideur de l’âme est le plus grand des maux : « vivre avec n’importe quel vice de l’âme, tel est le plus grand des maux » 477d 

 

 

 

3) La justice comme médecine de l’âme 477a

 

Conception d’une étrange valeur « thérapeutique » du châtiment, comme lorsque l'on dit que quelqu'un reçoit une "correction" : Son âme ne s’améliore-­t‑elle pas, s’il est puni justement ?

 

 

 

« la méde­cine de la maladie, la justice de l’intempérance et de l’in­justice.  » 478b 

 

Conception et analogie que file Socrate jusqu’en 480c où il livre sa conclusion sur la rhétorique : si elle sert à échapper à la justice elle n’est d’aucune utilité puisqu’il est de la plus haute utilité pour un homme d’être puni s’il a commis une injustice.  

 

Conclusion sur la rhétorique en 481a « Autrement dit pour l’homme qui n’est pas près de commettre une injustice, je ne vois point qu’elle soit très utile ».  

 

 

 

 

 

III DIALOGUE ENTRE SOCRATE ET CALLICLES  

 

 

 

 

 

A) REQUISITOIRE DE CALLICLES CONTRE SOCRATE →483a 
 

 

1) La critique des procédés de Socrate par Calliclès  

 

Le sens commun et la cohérence 

 

Calliclès : le discours de Socrate est opposé au sens commun Calliclès :  « nous faisons, ce me semble, tout le contraire de ce qu’il faudrait. » 481c

 

 Socrate :  « Je pourrais (…) ne pas être d’accord avec la plupart des gens (…) plutôt que d’être mal accordé avec moi-même. » 481c  

 

 

 

Analyse des dialogues précédents et des stratagèmes de Socrate par Calliclès 482c 483a :  

 

Faire honte à son interlocuteur  

 

Gorgias a une « fausse honte  » de dire qu’il n’enseignait pas les règles de la justice tout comme « Polos a concédé que commettre l’injustice est plus vilain que la subir » « tout cela parce qu’il a eu honte de dire ce qu’il pensait » 482 e.  

 

Conclusion Calliclès : « si on ose pas dire ce qu’on pense, on est forcé de se contredire » 483a  

 

 

 

Selon Calliclès Socrate joue sur une confusion des ordres chez son interlocuteur.  

 

Accusation de Calliclès : «  Si l’on parle en se référant à la loi, tu interroges en te référant à la nature, et si l’on 483a-484b parle de ce qui est dans l’ordre de la nature, tu interroges sur ce qui est dans l’ordre de la loi.  ». 483a 

 

 

 

 

 

 2) Distinction nécessaire entre justice selon la loi et selon la nature pour Calliclès →484c

 

L’origine de la loi dans la volonté des faibles d’abaisser les forts,  explique l’exigence d’égalité (isonomie Athénienne)  

 

« les lois sont faites pour les faibles et par le grand nombre. C’est pour eux et dans leur intérêt qu’ils les font et qu’ils distribuent les éloges ou les blâmes   » « ils disent qu’il est honteux et injuste d’ambitionner plus que sa part et que c’est en cela que consiste l’injustice. » 483b 

 

 La nature exige une hiérarchie entre les forts et les faibles  

 

« la nature elle‑même proclame qu’il est juste que le meilleur ait plus que le pire et le plus puissant que le plus faible  » 483d 

 

Exemples et références pour illustrer le propos : Xerxès, son père Darius. Heraclès. 

 

Socrate comprendrait cette distinction s’il arrêtait de faire de la philosophie.  

 

 

 

 3) Jugement de Calliclès sur la philosophie 

 

La philosophie, bonne pour les jeunes gens 484c-486a 

 

La philosophie rend incapable de se conduire dans la vie. 486a-d. Paroles sinistrement prophétiques « tu serais mis à mort, s’il lui plaisait de réclamer cette peine.  » 486b 

 

 

 

B) INTERROGATION SUR LE RAPPORT ENTRE LA JUSTICE ET LA NATURE  →491 b

 

 

 

1) Reprise de la question : la justice par nature  486C-489c

 

D’abord considération de Calliclès, comme « la pierre de touche, le meilleur interlocuteur parce qu’il réunit 3 qualités : « la science, la bienveillance et la franchise.» 487a

 

Ensuite retour sur la conception de Calliclès : « qu’en­tendez‑vous, Pindare et toi, par la justice selon la nature ? Est‑ce le droit qu’aurait le plus puissant de prendre par force les biens du plus faible, ou le meilleur de commander au moins bon, ou celui qui vaut plus d’avoir plus que celui qui vaut moins ? »488b

 

Socrate veut questionner l’assimilation entre le plus fort et le meilleur est‑ce le même homme que tu appelles meilleur et plus puissant ?» 488c

 

Calliclès va être confronté à une contradiction : il affirme que les plus forts sont par nature les meilleurs, or, comme le demande Socrate « le grand nombre n’est‑il pas plus puissant que l’homme isolé » 488c et  S :« le grand nombre ne pense‑t‑il pas, comme tu le disais aussi tout à l’heure, que la justice consiste dans l’égalité » 488 e. Contradiction donc de Calliclès : « Ce n’est donc pas seulement en vertu de la loi qu’il est plus laid de commettre l’injustice que de la subir et que la justice est dans l’égalité ; c’est aussi selon la nature » 489a,

 

Résistance de Calliclès. Contrairement aux sophistes précédents C :« Supposes‑tu, parce qu’un ramassis d’esclaves et de gens de toute provenance, sans autre mérite peut‑être que leur force physique, se seront assemblés et auront prononcé telle ou telle parole, que je prenne ces paroles pour des lois ? » 489c.

 

 

 

2 Glissement de la question : du plus fort au meilleur  489d-491b

 

Reprise de la question : quels sont ceux que tu appelles les meilleurs si ce n’est pas le plus nombreux, ou le plus fort physiquement : Calliclès : « le droit selon la nature, c’est que le meilleur et le plus sage commande aux médiocres et qu’il ait une plus grosse part ».490a

 

Ironie de Socrate : dans ce cas le plus habile cordonnier doit avoir le plus de chaussures, le meilleur médecin le plus de vivres etc. Colère de Calliclès : Socrate n’est pas dans le bon registre et le sait : C : « tu ne cesses vraiment jamais de parler de cordonniers, de foulons, de cuisiniers, de médecins, comme s’il était question entre nous de ces gens‑là.»491a. Le vrai registre de Calliclès est politique C : « les hommes qui s’entendent à diriger comme il faut les affaires de l’État » 491b,

 

Confusion chez Calliclès entre les plus intelligents les plus courageux pour finir par la détermination de l’aptitude à commander : C reproche à S de toujours dire les mêmes choses, le reproche de S à C est plus grave il est de ne jamais dire les mêmes choses sur les mêmes sujets, mais d’appeler meilleurs et plus puissants d’abord les plus forts, puis les plus sages

 

 

 

 

 

B) LE QUESTIONNEMENT SUR LES VALEURS, LE PLAISIR, LE BIEN ET LE BON

 

 

 

1) Du commandement des autres à la souveraineté de soi-même Le Pluvier et la pierre. 491b-495c

 

S : pose l’idéal d’un commandement de soi par soi : la tempérance, et d’une modération. C. l’idéal d’une satisfaction de ses passions. C accuse Socrate de prôner une existence bonne pour les pierres, S. accuse Calliclès de prôner une existence de pluvier.

 

Question de Socrate sur le commandement de soi-même : S : « par rapport à eux‑mêmes, sont‑ils gouver­nants ou gouvernés ? » 490e.

 

Conception classique du gouvernement de ses propres passions.

 

C : « Ce sont les imbéciles que tu appelles tempérants » L’idéal de Calliclès est un épanchement des passions et une aptitude à les satisfaire. Réduction psychologique de l’appel à la tempérance identique à celle de la justice C: « ne pouvant lui-même fournir à ses passions de quoi les contenter, il fait l’éloge de la tempérance » 492b Même argument présenté par Glaucon et le mythe de Gygès : « Ceux-là même qui, par impuissance à commettre l’injustice, s’emploient à être justes, ne s’y emploient pas de leur plein grès » La République 359b-360c

 

D’où une conception du bonheur comme satisfaction des passions C : « le luxe, l’incontinence et la liberté, quand ils sont soutenus par la force constituent la vertu et le bonheur » 492c

 

Dans sa réponse, Socrate rend hommage à la franchise de Calliclès S : « tu dis nettement, toi, ce que les autres pensent, mais ne veulent pas dire » S. objecte la possibilité d’être heureux sans manquer de rien, C : «  à ce compte, les pierres et les morts seraient très heureux. »492c

 

Pour répondre Socrate est obligé d’en appeler à une scission du corps et de l’âme, de se référer au mythe, pour énoncer que le malheur viendrait plutôt de ne jamais être satisfait. Il prend l’image de la passoire «  il assimilait à un crible l’âme des insensés, parce qu’elle est percée de trous » 493b.

 

Devant le refus de Socrate, autre image, celle des tonneaux percés en 493d. Consi­dère si tu ne pourrais pas assimiler chacune de ces deux vies, la tempérante et l’incontinente, au cas de deux hommes, dont chacun posséderait de nombreux tonneaux

 

L’argument ne convainc pas Calliclès :

 

L’argument ne convainc pas Calliclès : mais ce qui fait l’agrément de la vie, c’est d’y verser le plus qu’on peut.494a  C’est là qu’est l’accusation de Socrate « c’est la vie d’un pluvier  que tu vantes ». Tentative de montrer l’absurdité de ce mode de vie C: « dis-moi si c’est vivre heureux, quand on a la gale et envie de se gratter, de se gratter à son aise et de passer sa vie à se gratter ».494d

 

Résistance de Socrate même jusqu’aux implications scandaleuses de son point de vue jusque 495c.

 

 

 

Calliclès maintient sa position : le bien équivaut au plaisir, reprise donc de l’examen

 

 

 

2) Le plaisir n’est pas assimilable au bien : 495c 497d

 

Contrairement au plaisir, que l’on peut éprouver avec la douleur, on ne peut éprouver bonheur et malheur en même temps :  En ce qui concerne le bonheur  et le malheur, on ne peut les éprouver en même temps, pas plus qu’on ne peut éprouver en même temps la santé et la maladie S : « pour les biens et le bonheur et pour leurs contraires,  les maux et le malheur, c’est alternativement qu’on reçoit» 496b or, comme S le fait admettre à C. on peut à la fois éprouver du plaisir et de la douleur : « on ressent à la fois du plaisir et de la douleur, quand tu dis qu’on boit ayant soif » 496e

 

Conséquence S : s’ensuit que la joie n’est pas le bonheur, ni la peine le malheur, de sorte que l’agréable se révèle différent du bien » 496e

 

C. ne se rend pas pour autant : « Je ne saisis pas tes subtilités, Socrate. » 497a

 

Insistance de Socrate sur la distinction plaisir et bien : « le bien n’est pas la même chose que l’agréable, ni le mal que la douleur, puisque des uns, on est débarrassé en même temps, des autres non, car ils sont distincts. » 497d

 

 

 

3) Le recours à l’idée : on est bon par la bonté, pas par le plaisir. Hiérarchie des plaisirs 497d 499c

 

Si le plaisir était le bien, le posséder rendrait bon comme le courage rend courageux. Mais Socrate va montrer qu’on peut être à la fois lâche et éprouver du plaisir.

 

« les bons, selon toi, ne sont ils pas bons par la présence du bien, de même que les beaux, par la présence de la beauté ? » 497d

 

Les bons seraient donc bons par la présence en eux de la bonté. Et Calliclès considère le courage et l’intelligence comme des formes d’excellence. Si le bien s’assimilait au plaisir ou à la joie, on devrait être bons par la présence en soi de plaisir ou de joie. Mais « les insensés et les sages, les lâches et les braves ressentent la douleur et la joie, à peu près égale­ment », « le bon et le méchant ont les mêmes douleurs et les mêmes joies » 499a  comme l’avoue Calliclès. Il y a donc contradiction.

 

Résistance de C. : Une hiérarchie dans les plaisirs C : « Crois‑tu donc que je ne juge pas, comme tout le monde, certains plaisirs comme meilleurs, certains autres comme plus mauvais » ? 499 b

 

« Mais les utiles sont ceux qui procurent quelque bien, et les nuisibles ceux qui font du mal ? »499c

 

Succès de Socrate : Calliclès ne peut plus affirmer l’assimilation du bien et de l’agréable, tu affirmes à présent, ce semble, c’est qu’il y a différents plaisirs, les uns bons, les autres mauvais, mais il ne se rend pas pour autant.

 

 

 

4) Conséquence : le bon politique est celui qui rend bon, donc juste 499c

 

Socrate part de la distinction entre les bons et les mauvais plaisirs pour ensuite introduire celle entre le bon et le mauvais politique Parmi ces plaisirs, 499d-500b ne tiens‑tu pas pour bons ceux qui procurent au corps la santé, (…) et pour mauvais ceux qui produisent les effets contraires ?

 

 

 

Socrate revient donc sur une distinction déjà envisagée, et une analogie entre la cuisine et la rhétorique, la médecine et la philosophie politique : la médecine,  (…) soigne un malade, (…)  a étudié sa nature, qu’elle connaît les causes de ce qu’elle fait et peut rendre raison de chacune

 

On voit l’analogie : la philosophie politique cherche les causes du mal politique pour apporter le bien, contrairement aux rhétoriques :  

 

  « Quant à distinguer parmi les plaisirs les meilleurs et les pires, elles n’y prêtent aucune attention et n’ont d’autre souci que de faire plaisir, » 501b

 

 

 

« Les orateurs (…) crois tu que, (…) ils se conduisent avec les peuples comme avec des enfants, essayant seulement de leur plaire, sans s’inquiéter aucunement si par ces procédés ils les rendent meilleurs ou pires ? »  503a

 

C : « Cette question n’est plus aussi simple. Il y a des orateurs qui parlent dans l’intérêt des citoyens »

 

Querelle sur la bonne volonté des orateurs. Il n’y en a bien sûr qu’une honnête pour S, celle : « qui s’applique à dire toujours le meilleur, que cela plaise ou déplaise à l’auditoire »

 

Or même si certains orateurs, comme Themistocle, ont bien conduit la cité, ils n’ont pas rendu les athéniens meilleurs  S : « parmi les anciens peux-tu en citer un grâce auquel, dès qu’il a commencé à les haranguer, les Athéniens soient devenus meilleurs, de moins bons qu’ils étaient auparavant ? 504a

 

Le meilleur orateur serait celui qui, comme le bon entraîneur-médecin, chercherait à rendre le corps sain, le nom de sain convient à l’ordre qui règne dans le corps et que de là vient la santé, chercherait à rendre l’âme ordonnée, donc juste : S : « il songera sans cesse aux moyens de faire naître la justice dans l’âme de ses concitoyens et d’en bannir l’injustice » 504d

 

 

 

5) Obligation par Calliclès d’admettre que le châtiment est bon pour celui qui le subit

 

Comme il faut éloigner le corps malade de ce qu’il désire, il faut éloigner l’âme malade de ce qu’elle veut, il faut l’éloigner de ce qu’elle désire et ne pas lui permettre de faire autre chose que ce qui doit la rendre meilleure. ce qui est proprement la châtier

 

Donc le châtiment est meilleur pour l’âme que l’inconti­nence, contrairement à ce que tu pensais tout à l’heure 

 

Refus cependant par Calliclès d’admettre sa propre contradiction Je ne me soucie aucunement de ce que tu dis et je ne t’ai répondu que pour faire plaisir à Gorgias.

 

 

 

C)  QUASI MONOLOGUE DE SOCRATE

 

 

 

Calliclès refuse désormais de dialoguer : il ne s’en tiendra qu’à une passive et ironique acceptation des propos de Socrate qui change les règles du dialogue : Mais puisque tu refuses, Calliclès, de m’aider à terminer l’entretien, écoute‑moi du moins et arrête‑moi, si tu trouves que j’avance quelque chose d’inexact