Le Désir

(Résumé pour TL)

 

Désir rapport sujet objet. Compréhension par l’objet => typologie ou par le sujet = psychologie

 

I LE DESIR DETERMINE PAR L’OBJET

 

A) Rapport paradoxal à l’objet du désir

 

1/- Recherche et refus de la satisfaction
Le désir veut et ne veut pas être satisfait
- Leurre du désir : croyance en la plénitude discours de l’illusion par Aristophane, réalité de la déception,
Présenté comme pure richesse et promesse de bonheur par l'opinion qui crée le mythe d'une unicité de l'objet, de la pérennité du désir et de la satisfaction qu'il apporte. C'est ce que véhicule le mythe des androgynes que relate Aristophane dans Le Banquet de Platon

 

D’où le constat de Proust :  « Le désir fleurit, la possession flétrit toutes choses » Proust Les plaisirs et les jours

 

 

 

Julien Sorel : "Ce n'était que ça" en quittant la chambre de Mme de Rénal. Et Lucrèce :«De la source même des plaisirs surgit je ne sais quelle amertume qui prend l’amant à la gorge » De natura Rerum IV   D’où la formule la plus triste :

 

« La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui » SCHOPENHAUER Le Monde comme Volonté et comme Représentation Livre IV, §§. 56-57.
- Erreur sur le but : croyance en la volonté d’assouvir le désir, mais volonté de conserver le désir Cf. aussi Rousseau : « Malheur à qui n’a plus rien à désirer »

 

 

2/- Impossibilité de la définition de l'objet:

Bonheur comme but mais indéfinissable : liste jamais exhaustive et contradictoire c’est « une synthèse de l'imagination. »Kant

(Contre synthèse de la raison)

 

3) Ambigüité du désir :

Il est à la fois richesse et pauvreté.

- Il est pauvreté parce qu’il est manque, un Dieu ne désire rien. « L’amour aime ce qu’il manque et qu’il ne possède pas » Le Banquet 201b, « Ce dont on manque, ce qu’on ne possède pas, tel est l’objet du désir. » Ibid. 200e

- Richesse Parce que le désir est imagination qui embellit l’objet « il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas. » Rousseau La nouvelle Héloïse

 

 

B) La limitation du désir

Le désir demande et exige du discernement à l’égard de ses objets. Plusieurs distinctions à considérer :

« Parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires pour le bonheur, les autres pour le calme du corps, d'autres enfin simplement pour le fait de vivre. » Epicure Lettre à Ménécée

« on ne distingue pas assez les choses qui dépendent entièrement de nous de celles qui n’en dépendent point » Descartes Traité des passions article 144

 

Réponse identique de l'épicurisme comme du stoïcisme: Il faut régler les désirs: « Ma troisième maxime était de toujours chercher plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde. » Discours de la méthode Partie III, 3ème maxime.

• Eviter les désirs impossibles : Eviter par exemple le désir le plus impossible de tous : Le désir de l’immortalité. Plus improbable : que le passé n’ait pas été.

• Eviter les désirs dont la satisfaction entraînerait plus de peine que de plaisir. « Une théorie non erronée de ces désirs sait en effet rapporter toute préférence et toute aversion à la santé du corps et à la tranquillité de l'âme. » Epicure Lettre à Ménécée.

 

 

II INSUFFISANCE DE LA COMPREHENSION PAR L’OBJET

 

 

A) La polymorphie des désirs interdit une compréhension par le seul objet

 

Les pulsions sexuelles sont polymorphes quand au but et quand à l'objet:

• Quant à l'objet: Transfert: Par contiguïté, cf. fétichisme

Par ressemblance: (Descartes et la louche)

• Quant-au but: Sublimation Une curiosité sexuelle - une curiosité intellectuelle: « On appelle sublimation cette capacité d'échanger le but qui est à l'origine sexuel contre un autre qui n'est plus sexuel mais qui est psychiquement parent du premier. » La vie sexuelle p. 33 34

 

Conséquence : L’orientation des désirs

Favoriser la sublimation plutôt que la répression. Conséquence : C’est bien plutôt par une psychologie du sujet que la compréhension du désir sera possible.

 

 

 

B) le désir comme manque d’être

Au niveau affectif : Séparation déjà vue

Au niveau existentiel :

  • Cette conscience de mon impuissance par rapport à la réalité s’appelle la maturité, jamais définitive l’homme croit en la puissance exhaustive de ses dieux.
  • Etre conscient c’est aussi comprendre que tout choix est sacrifice
  • La conscience montre notre facticité, le fait que nous aurions très bien pu ne pas exister, et le fait que nous n’existerons plus un jour. Notre nostalgie se comprend : « Le passé est le temps de notre être l’avenir est le temps de notre impuissance » Alquié
  • Etre conscient c’est ne pas être ce qu’on est, puisque toute conscience alterne son contenu
  • Il faudrait alors « remplir ce vide ». Tout désir est donc, fondamentalement une aspiration à être. Et ce que je dois être, c’est l’autre qui va me le montrer

 

III/ LE DESIR MEDIATIQUE

A) l’admiration
• Imitation de celui que l’on désire être, imitation de son désir

• Affirmation du processus, amour pour le médiateur

Cf. Don Quichotte de Cervantès: Don Quichotte imite désirs Amatis, cf. le fan
• Pas de rivalité.

• Peut demeurer dans l’admiration Hugo : « Je veux être Châteaubriant ou rien »
« le héros de la médiation externe proclame bien haut la vraie nature de son désir » Girard.

B) La rivalité

1) Dans le désir amoureux.

Dans beaucoup de circonstances on admet que le désir ne vient pas de nous: je désire lire ce livre parce qu'un ami me l'a recommandé.

Inacceptable en amour : on veut que le désire vienne de nous, "je suis une force qui va", c'est le mensonge romantique, que dénonce Shakespeare.

Dans les deux gentilshommes de Vérone on voit le passage dramatique du désir mimétique à la rivalité. Valentin et Protée désirent les mêmes choses, c'est d'ailleurs une définition de l'amitié que d'aimer les mêmes choses. Tout va bien jusqu'à ce qu'ils rencontrent Sylvia. C'est le passage du désir imitatif au désir velléitaire.
« O enfer, choisir l'amour par les yeux d'un autre » dit Hermia dans "le songe d'une nuit d'été".
Exemple du viol de Lucrèce Shakespeare change Tite Live : c'est parce que son mari Colatine fait l'éloge de Lucrèce que Tarquin veut la violer.
La sagesse consiste à admettre que le désir vient de nous.

 

- La coquetterie : imite un moi idéalisé dont elle cherche la confirmation dans le désir, indigne, qu’on lui voue : Louis XIV idéalisé, est le médiateur de Louis XIV Freud « idéal du moi »».
« Imiter le désir de son amant c’est se désirer soi-même grâce au désir de cet amant. Cette modalité particulière de la médiation double s’appelle la coquetterie. » Girard Mensonge romantique vérité romanesque

2) Sur le plan politique et social

• Dans le snobisme. Aspire à être noble, ne l’est pas et nie son aspiration.
Etapes du snobisme : Reconnaissance de l’aspiration : Titre franc du « bourgeois gentilhomme » Négation de l’aspiration : Aspiration aux privilèges des nobles, attachement ignoble de l’aristocratie à leur maintien, désir conservateur, haine réciproque.

- Du point de vue intérieur les désirants sont différents, du point de vue extérieur, ils sont indifférenciés parce qu'ils se mettent tous à désirer les mêmes choses. Valenod et Resnal se pensent très différents mais se mettent tout deux à désirer le même objet: Sorel comme précepteur de leurs enfants et marques de leur distinction.
« Pour qu’un vaniteux désire un objet, il suffit de le convaincre que cet objet est déjà désiré par un tiers auquel s’attache un certain prestige » Girard ibid.
• Manifeste politiquement : Cf. France et Allemagne 1871-1945
• Relations intersubjectives :

3) Illustration par la publicité
• Cf. la publicité - soit naïvement référence à des médiateurs (célébrité) - Soit joue sur le désir d’être, prétend vendre des objets mais vend la conformation à des standards valorisés ou des valeurs comme la liberté.
• Certaines prétendent démonter le processus d’imitation : Elles prétendent ne vendre qu’un produit et terminent par « sois toi-même » ou « n’écoute que toi » « Think different » Apple
• Alors possible négation de la distance avec l’autre. Maître mot de l’envieux : personne n’est au dessus de moi, où l’aspiration est niée.
• Manifeste dans le romantisme : Affirmation péremptoire de son génie : « le héros de la médiation interne, loin de tirer gloire, cette fois, de son projet d’imitation, le dissimule soigneusement » ibid. Cf. parfois art contemporain Rien ne trouve grâce aux yeux de l’envieux ni œuvre antérieure, ni personnalité, ni découverte
-  Choix possible cependant d’un médiateur pour éviter " l'envie la jalousie et la haine impuissante. " Balzac
La voie du désir semble donc amener au renoncement, c’est la voie
 

IV LE DESIR COMME POSSIBILITE DE JOIE

 

A) Le désir comme puissance.

 

1) Distinction désir et soulagement

- Le pessimisme confond tout désir avec le soulagement d’une souffrance, mais si la faim est une torture, l’appétit n’en est pas une. D’aucun serait ravi de ne plus avoir faim mais de ne jamais manquer d’appétit.

- Comparaison suppression envie d’uriner et désir sexuel.

- Celui qui contemple une peinture, qui discute avec un ami ou se promène ne manque de rien. C’est le dépressif, l’anorexique, l’impuissant, ceux qui n’ont plus de désir auxquels manquent quelque chose, « la puissance d’agir ou la force d’exister » (agendi potentia sive extendi vis) Ethique III Def. générale des affects.

- « Le manque n’est pas l’essence du désir, c’est son accident ou son rêve, la privation qui l’irrite ou le rêve qu’il s’invente. » Comte Sponville.

 

2) Ce avec quoi est confondu le désir comme manque

Tout comme l’envieux, « Tout homme est désir d’être » Sartre L’être et le Néant celui qui désire espère, et c’est cette espérance qui est la vérité du désir comme manque, c’est sur l’espérance d’être plus par la consommation que joue la publicité. « Il n’y a pas d’affection de l’espoir et de crainte sans tristesse. Car la crainte est une tristesse et il n’y a pas d’Espoir sans Crainte. » Ethique IV, prop. 47, démonstration. A tout désir même comme puissance peut se mêler un peu de désir comme manque, on peut jouir de la santé en espérant qu’elle demeure, mais cette puissance ne se confond pas avec cet espoir.

On peut, de même,  jouir de la présence de quelqu’un et désirer sa présence à nouveau, et désirer posséder ce qui nous comble déjà. Sur le plan existentiel les deux désirs sont mêlés, ils ne se confondent pas intellectuellement. Cette distinction permet aussi de reconsidérer la relation à l’autre.

 

B) Distinction amour et passion

- Passion égoïste « les amants aiment l’aimé comme les loups aiment l’agneau »Platon Le Banquet 240 e, et confus « Tout amour passion, tout amour du passé, est donc illusion d’amour et, en fait, amour de soi-même. » Alquié. Le désir d’éternité Exemple du crime passionnel.

Cela ne disqualifie pas tout l’amour

Amour altruiste possible cependant par l’amour philia épicurien ou celui d’Aristote qui dit « Aimer c’est se réjouir » Aristote Ethique à Eudème VII, 2, 1237 a

pas dans le manque, mais dans la joie. « L’amour est une joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure » Spinoza Ethique III, def. 6 des affects

C’est que l’amour d’amitié n’attend rien, espère peu, puisque « elle consiste plutôt à aimer qu’à être aimé » Ethique à Nicomaque, VIII

Sens élargi de l'amitié : aussi « la joie que ressentent les mères à aimer leurs enfants » Ethique à Nicomaque, VIII, 9 ou « l’amour entre mari et femme » ibid., VIII, 14 Cf. aussi Montaigne qui parle « d’amitié maritale » Essais III, 9