1) Le sentiment religieux

 

 

« C'est du sacré, en effet, que le croyant attend tout secours et toute réussite. Le respect qu'il lui témoigne est fait à la fois de terreur et de confiance. Les calamités qui le menacent, dont il est victime, les prospérités qu'il souhaite ou qui lui échoient sont rapportées par lui à quelque principe qu'il s'efforce de fléchir ou de contraindre. Peu importe la façon dont il imagine cette origine suprême de la grâce ou des épreuves : dieu universel et omnipotent des religions monothéistes, divinités protectrices des cités, âmes des morts, force diffuse et indéterminée qui donne à chaque objet son excellence dans sa fonction, qui rend le canot rapide, l'arme meurtrière, l'aliment nourrissant. Aussi évoluée, aussi fruste qu'on l'imagine, la religion implique la reconnaissance de cette force avec laquelle l'homme doit compter. Tout ce qui lui en semble le réceptacle lui apparaît sacré, redoutable, précieux. Au contraire, il regarde ce qui en est privé comme inoffensif sans doute, mais aussi comme impuissant et sans attrait. On ne peut que dédaigner le profane, alors que le sacré dispose pour attirer d'une sorte de don de fascination. Il constitue à la fois la suprême tentation et le plus grand des périls. Terrible, il commande la prudence ; désirable, il invite en même temps à l'audace. Sous sa forme élémentaire, le sacré représente donc avant tout une énergie dangereuse, incompréhensible, malaisément maniable, éminemment efficace(…) Elle ne s'apprivoise pas, ne se dilue pas, ne se fractionne pas. Elle est indivisible et toujours tout entière partout où elle se trouve. » Roger Caillois, L’homme et le sacré (1963)

 

 

2) Elucidation de la laïcité

 

  « Et les droits de l’homme ? demandera-t-on. Et la morale ? Ce n’est pas à eux que l’État se soumet, mais à ses propres lois et à sa propre constitution – ou aux droits de l’homme pour autant seulement que la constitution les énonce ou les garantit. Pourquoi, dans nos démocraties, le fait-elle ? Parce que le peuple souverain en a décidé ainsi, et ce n’est pas moi qui le lui reprocherai. C’est mettre l’État au service des humains, comme il doit l’être, plutôt que les humains au sien. Mais la même raison interdit d’ériger les droits de l’homme en religion d’État. Distinction des ordres : l’État ne doit régner ni sur les esprits ni sur les coeurs. Il ne dit ni le vrai ni le bien, mais seulement le légal et l’illégal. Il n’a pas de religion. Il n’a pas de morale. Il n’a pas de doctrine. Aux citoyens d’en avoir une, s’ils le veulent. Non pourtant que l’État doive tout tolérer, ni qu’il le puisse. Mais il n’interdit que des actions, point des pensées, et pour autant seulement qu’elles enfreignent la loi. Dans un État  vraiment laïque, il n’y a pas de délit d’opinion. Chacun pense ce qu’il veut, croit ce qu’il veut. Il doit rendre compte de ses actes, non de ses idées. De ce qu’il fait, non de ce qu’il croit. Les droits de l’homme, pour un État laïque, ne sont pas une idéologie, encore moins une religion. Ce n’est pas une croyance, c’est une volonté. Pas une opinion, une loi. On a le droit d’être contre. Pas de les violer. » Comte Sponville Dictionnaire philosophique

 

  

3) Pascal : ce qu’est le Dieu des chrétiens

  « Le Dieu des Chrétiens ne consiste pas en un Dieu simplement auteur des vérités géométriques et de l'ordre des éléments; c'est la part des païens et des épicuriens. Il ne  consiste pas seulement en un Dieu qui exerce sa providence sur la vie et sur les biens des hommes, pour donner une heureuse suite d'années à ceux qui l'adorent; c'est la portion des juifs.  Mais le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob, le Dieu des Chrétiens, est un Dieu d'amour et de consolation, c'est un Dieu qui remplit l'âme et le cœur de ceux qu'il possède, c'est un Dieu qui leur fait sentir intérieurement leur misère, et sa miséricorde infinie, qui s'unit au fond de leur âme; qui la remplit d'humilité, de joie, de confiance, d'amour. »  Pascal pensées  556

 

4) Caricature du discours de l’athée par Pascal

  «Je ne sais qui m'a mis au monde, ni ce que c'est que le monde, ni que moi-même; je suis dans une ignorance terrible de toutes choses; je ne sais ce que c'est que mon corps, que mes sens, que mon âme et cette partie même de moi qui pense ce que je dis, qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, et ne se connaît non plus que le reste. Je vois ces effroyables espaces de l'univers qui m'enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu'en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m'est donné à vivre m'est assigné à ce point plutôt qu'à un autre de toute l'éternité qui m'a précédé, et de toute celle qui me suit. Je ne vois que des infinités de toutes parts, qui m'enferment comme un atome et comme une ombre qui ne dure qu'un instant sans retour. Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir, mais ce que j'ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter.  Comme je ne sais d'où je viens, aussi je ne sais où je vais; et je sais seulement qu'en sortant de ce monde, je tombe pour jamais ou dans le néant, ou dans les mains d'un Dieu irrité, sans savoir à laquelle de ces deux conditions je dois être éternellement en partage. Voilà mon état, plein de faiblesse et d'incertitude. Et de tout cela, je conclus que je dois donc passer tous les jours de ma vie sans songer à chercher ce qui me doit arriver [...].»  Qui souhaiterait d'avoir pour ami un homme qui discourt de cette manière ? Qui le choisirait entre les autres pour lui communiquer ses affaires ? Qui aurait recours à lui dans ses afflictions ? Et enfin, à quel usage de la vie on le pourrait destiner ?  PASCAL Pensées (1670), extrait du fragment 194

 

 

 

5) la religion : une illusion immature selon Freud

Ainsi je suis en contradiction avec vous lorsque, poursuivant vos déductions, vous dites que l'homme ne saurait absolument pas se passer de la consolation que lui apporte l'illusion religieuse, que, sans elle, il ne supporterait pas le poids de la vie, la réalité cruelle. Oui, cela est vrai de l'homme à qui vous avez instillé dès l'enfance le doux - ou doux et amer - poison. Mais de l'autre, qui a été élevé dans la sobriété ? Peut-être celui qui ne souffre d'aucune névrose n'a-t-il pas besoin d'ivresse pour étourdir celle-ci. Sans aucun doute l'homme alors se trouvera dans une situation difficile ; il sera contraint de s'avouer toute sa détresse, sa petitesse dans l'ensemble de l'univers ; il ne sera plus le centre de la création, l'objet des tendres soins d'une providence bénévole. Il se trouvera dans la même situation qu'un enfant qui a quitté la maison paternelle, où il se sentait si bien et où il avait chaud. Mais le stade de l'infantilisme n'est-il pas destiné à être dépassé ? L'homme ne peut pas éternellement demeurer un enfant, il lui faut enfin s'aventurer dans un univers hostile. On peut appeler cela « l'éducation en vue de la réalité » ; ai-je besoin de vous dire que mon unique dessein, en écrivant cette étude, est d'attirer l'attention sur la nécessité qui s'impose de réaliser ce progrès ?   Freud, L'Avenir d'une illusion, Chapitre IX.

 

 

 

6 La religion satisfait les désirs humains Freud

 « Pour bien se représenter le rôle immense de la religion, il faut envisager tout ce qu'elle entreprend de donner aux hommes ; elle les éclaire sur l'origine et la formation de l'univers, leur assure, au milieu des vicissitudes de l'existence, la protection divine et la béatitude finale, enfin elle règle leurs opinions et leurs actes en appuyant ses prescriptions de son autorité. Ainsi remplit-elle une triple fonction. En premier lieu tout comme la science mais par d'autres procédés, elle satisfait la curiosité humaine et c'est d'ailleurs par là qu'elle entre en conflit avec la science. C'est sans doute à sa seconde mission que la religion doit la plus grande partie de son influence. La science en effet ne peut rivaliser avec elle, quand il s'agit d'apaiser lacrainte de l'homme devant les dangers et les hasards de la vie ou de lui apporter quelque consolation dans les épreuves. La science enseigne, il est vrai, à éviter certains périls, à lutter victorieusement contre certains maux : impossible de nier l'aide qu'elle apporte aux humains, mais dans bien des cas elle ne peut supprimer la souffrance, et doit se contenter de leur conseiller la résignation ».Freud. Nouvelles conférences sur la psychanalyse. 1915.1917.

 

 

 

 

7 Impossible pour la raison de démontrer l'existence de Dieu  

 "Je ne saurais donc admettre Dieu, la liberté et l'immortalité selon le besoin qu'en a ma raison dans son usage pratique nécessaire, sans repousser en même temps les prétentions de la raison pure à des vues transcendantes, car, pour atteindre à ces vues, il lui faut se servir de principes qui ne s'étendent en réalité qu'à des objets de l'expérience possible et qui, si on les applique à une chose qui ne peut être objet d'une expérience, la transforment réellement et toujours en phénomène, et déclarent ainsi impossible toute extension pratique de la raison pure. J'ai donc dû supprimer le savoir pour lui substituer la croyance. Le dogmatisme de la métaphysique, ce préjugé qui consiste à vouloir avancer dans cette science sans commencer par une critique de la raison pure, voilà la véritable source de toute cette incrédulité qui s'oppose à la morale, et qui elle-même est toujours très dogmatique."  Kant, Critique de la Raison Pure, préface de la deuxième édition

 

 

8 Classement des types de croyances et des connaissances 

 

L'acte de tenir pour vrai (la créance) est un fait de notre entendement qui peut reposer sur des raisons objectives, mais qui exige aussi des causes subjectives dans l'esprit de celui qui juge ; quand cet acte est valable pour chacun, pour peu qu'il ait seulement de la raison, la raison en est objectivement suffisante, et le fait de tenir pour vrai s'appelle alors conviction . Quand il a uniquement son fondement dans la nature particulière du sujet, on le nomme persuasion.
La persuasion est une simple apparence, parce que le principe du jugement, qui réside simplement dans le sujet, est tenu pour objectif. Aussi un jugement de ce genre n'a-t-il qu'une valeur personnelle, et la créance ne se communique pas. Mais la vérité repose sur l'accord avec l'objet, et par conséquent, par rapport à cet objet, les jugements de tout entendement doivent être d'accord. La pierre de touche servant à reconnaître si la créance est une conviction ou une simple persuasion est donc extérieure : elle consiste dans la possibilité de la communiquer et de la trouver valable pour la raison de chaque homme ; car alors on peut au moins présumer que la raison de l'accord de tous les jugements, malgré la diversité des sujets entre eux, reposera sur un fondement commun, je veux dire sur l'objet, avec lequel, par suite, tous les sujets s'accorderont, prouvant par là même la vérité du jugement.
La persuasion ne peut donc pas, à la vérité, se distinguer subjectivement de la conviction, si le sujet a devant les yeux la créance simplement comme un phénomène de son propre esprit ; l'épreuve que l'on fait sur l'entendement d'autrui des raisons qui sont valables pour nous, afin de voir si elles produisent sur une raison étrangère le même effet que sur la nôtre, est cependant un moyen qui, bien que purement subjectif, sert, non pas sans doute à produire la conviction, mais à découvrir la valeur toute personnelle du jugement, c'est-à-dire à découvrir en lui ce qui n'est que simple persuasion.
Si l'on peut en outre expliquer les causes subjectives du jugement, causes que nous prenons pour des raisons  objectives de ce jugement, et par conséquent expliquer notre créance trompeuse comme un événement de notre esprit, sans avoir besoin pour cela de la nature de l'objet, nous mettons alors l'apparence à nu et nous ne serons plus trompés par elle, bien qu'elle puisse toujours nous tenter jusqu'à un certain point, si la cause subjective de cette apparence tient à notre nature.
Je ne peux affirmer, c'est-à-dire exprimer comme un jugement nécessairement valable pour chacun, que ce qui produit la conviction. Je puis garder pour moi ma persuasion, si je m'en trouve bien, mais je ne puis ni ne dois vouloir la faire valoir hors de moi.
La créance ou la valeur subjective du jugement par rapport à la conviction (qui a en même temps une valeur objective) présente les trois degrés suivants : l'opinion, la foi  et le savoir. L'opinion est une créance qui a conscience d'être insuffisante subjectivement aussi bien  qu'objectivement. Quand la créance n'est suffisante que subjectivement, et qu'en même temps, elle est tenue pour objectivement insuffisante, elle s'appelle foi. Enfin celle qui est suffisante subjectivement et objectivement s'appelle savoir. La suffisance subjective s'appelle conviction (pour moi-même), la suffisance objective, certitude  (pour chacun). 

Kant, Critique de la raison pure, Canon de la raison pure, troisième section. 

 

 

 

 9) En l'absence de certitude, possibilité de parier ?

 « Examinons donc ce point, et disons : «  dieu est, ou il n’est pas.». Mais de quel côté pencherons-nous ? La raison n’y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare [de Dieu]. Il se joue un jeu, à l’extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile*. Que gagerez-vous ? Par raison vous ne pouvez faire ni l’un ni l’autre ; par raison vous ne pouvez défaire nul des deux. Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix ; car vous n’en savez rien. - « Non ; mais je les blâmerai d’avoir fait, non ce choix, mais un choix ; car, encore que celui qui prend croix et l’autre soient en pareille faute, ils sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier. » - oui ; mais il faut parier ; cela n’est pas volontaire, vous êtes embarqués. Lequel prendrez-vous donc ? Voyons. Puisqu’il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins. (...) Votre raison n’est pas plus blessée, en choisissant l’un que l’autre, puisqu’il vous faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter. »  Pascal, Pensées, 223

 

 

 

10 La théologie naturelle de Rousseau : la croyance en Dieu par "l'ordre de l'univers"

   « Je juge de l’ordre du monde quoique j’en ignore la fin, parce que pour juger de cet ordre il me suffit de comparer les parties entre elles, d’étudier leur concours, leurs rapports, d’en remarquer le concert. J’ignore pourquoi l’univers existe ; mais je ne laisse pas de voir comment il est modifié : je ne laisse pas d’apercevoir l’intime correspondance par laquelle les êtres qui le composent se prêtent un secours mutuel. Je suis comme un homme qui verrait pour la première fois une montre ouverte, et qui ne laisserait pas d’en admirer l’ouvrage, quoiqu’il ne connût pas l’usage de la machine et qu’il n’eût point vu le cadran. Je ne sais, dirait-il, ? quoi le tout est bon ; mais je vois que chaque pièce est faite pour les autres ; j’admire l’ouvrier dans le détail de son ouvrage, et je suis bien sûr que tous ces rouages ne marchent ainsi de concert que pour une fin commune qu’il m’est impossible d’apercevoir. Comparons les fins particulières, les moyens, les rapports ordonnés de toute espèce, puis écoutons le sentiment intérieur ; quel esprit sain peut se refuser  son témoignage ? A quels yeux non prévenus l’ordre sensible de l’univers n’annonce-t-il pas une suprême intelligence ? Et que de sophismes ne faut-il point entasser pour méconnaître l’harmonie des êtres et l’admirable concours de chaque pièce pour la conservation des autres ? Qu’on me parle tant qu’on voudra de combinaisons et de chances ; que vous sert de me réduire au silence, si vous ne pouvez m’amener   la persuasion ? » Rousseau, L'Emile IV

 

 

 

 

 

 11)  Mise en cause de la légitimité de Dieu par le scandale du mal

 

Discours d’Ivan à Aliocha Karamazov

 

"Mais les enfants, les enfants? Comment justifier leur souffrance? C'est un problème que je n'arrive pas à résoudre. Je le répète pour la centième fois : il y a, en ce monde, une multitude de problèmes, mais j'ai choisi celui-là, celui des enfants, parce qu'il me permet d'exprimer plus clairement ce qui me tourmente. Dis-moi : si les hommes doivent souffrir pour préparer, par leur souffrance, l'harmonie universelle. Pourquoi faut-il que souffrent aussi les enfants ? Pourquoi ont-ils été enfermés dans ce cycle, et pour quelle raison doivent-ils, eux aussi, concourir à l'harmonie par leur douleur ? C'est absolument incompréhensible. Qu'ont-ils fait pour être entraînés dans cette tourmente? J'admets à la rigueur, la solidarité des hommes dans le péché (et leur solidarité dans l'expiation), mais les enfants n'y ont pas eu de part ! Dira-t-on qu'ils portent dans leur chair les péchés de leurs parents, et qu'ils en sont par conséquent solidaires ? Ce serait là une Vérité qui ne relèverait pas de ce monde en tout cas, et elle n'est pas accessible à mon intelligence (…)  Je renonce définitivement, pour cette raison, à l'Harmonie supérieure. Elle ne vaut pas, à mon avis, une seule des larmes de l'enfant martyrisée qui se frappait la poitrine de ses poings dans un lieu nauséabond et priait « le bon Dieu » à travers ses pleurs inexpiables. Aucune harmonie future ne rachètera ces larmes-là. (…) Réponds-moi à une question, mais réponds franchement, j'y tiens : si tu étais l'architecte des destinées humaines et que tu désirais bâtir un monde dans lequel l'humanité trouverait finalement le bonheur, le calme et la paix, entreprendrais-tu cette œuvre, sachant qu'elle ne pourrait être réalisée qu'au prix de la souffrance, ne fût-ce que d'un seul petit être innocent, de cette enfant, par exemple, qui se frappait la poitrine à coups de poings ? Si l'édifice ne pouvait être bâti que sur les larmes inexpiées de cette petite, si c'était une nécessité inéluctable sans laquelle le but ne pourrait être atteint, consentirais-tu encore à être l'architecte de l'univers dans de telles conditions?

 - Non, je n'y consentirais pas, répondit Aliocha d'une voix ferme."  

Dostoïevski, Les frères Karamazov,  (1ère partie - livre V - 4: la révolte) 

 

TEXTE 12 : La prise en compte du mal par le religieux

 

 

   EXTRAITS DU LIVRE DE JOB CONSULTABLE ICI

 

 

 

 

Job ch.1

 

 

 

06 Le jour où les fils de Dieu se rendaient à l’audience du Seigneur, le Satan, l’Adversaire, lui aussi, vint parmi eux.

 

07 Le Seigneur lui dit : « D’où viens-tu ? » L’Adversaire répondit : « De parcourir la terre et d’y rôder. »

 

08 Le Seigneur reprit : « As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’a pas son pareil sur la terre : c’est un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s’écarte du mal. »

 

09 L’Adversaire riposta : « Est-ce pour rien que Job craint Dieu ?

 

10 N’as-tu pas élevé une clôture pour le protéger, lui, sa maison et tout ce qu’il possède ? Tu as béni son travail, et ses troupeaux se multiplient dans le pays.

 

11 Mais étends seulement la main, et touche à tout ce qu’il possède : je parie qu’il te maudira en face ! »

 

12 Le Seigneur dit à l’Adversaire : « Soit ! Tu as pouvoir sur tout ce qu’il possède, mais tu ne porteras pas la main sur lui. » Et l’Adversaire se retira.

 

Sur ce des serviteurs viennent annoncer successivement la perte de tous ses biens et la mort accidentelle de tous ses enfants. Réaction de Job :

 

21 Puis il dit : « Nu je suis sorti du ventre de ma mère, nu j’y retournerai. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : Que le nom du Seigneur soit béni ! »

 

22 En tout cela, Job ne commit pas de péché. Il n’adressa à Dieu aucune parole déplacée.

 

 

 

Job Chapitre 2 :

 

02 Le Seigneur lui dit : « D’où viens-tu ? » L’Adversaire répondit : « De parcourir la terre et d’y rôder ».

 

03 Le Seigneur reprit : « As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’a pas son pareil sur la terre : c’est un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s’écarte du mal ; il persiste encore dans son intégrité, et c’est pour rien que tu m’as incité à le détruire. »

 

04 Mais l’Adversaire répliqua au Seigneur : « Peau pour peau ! L’homme donne tout ce qu’il a pour sauver sa vie.

 

05 Mais étends la main, touche à ses os et à sa chair, je parie qu’il te maudira en face ! »

 

06 Le Seigneur dit à l’Adversaire : « Soit ! le voici en ton pouvoir, mais préserve sa vie. »

 

07 Et l’Adversaire, quittant la présence du Seigneur, frappa Job d’un ulcère malin depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête.

 

08 Job prit un tesson pour se gratter, assis parmi les cendres.

 

09 Sa femme lui dit : « Tu persistes encore dans ton intégrité ! Maudis Dieu et meurs ! »

 

10 Il lui répondit : « Tu parles comme une insensée. Si nous accueillons le bonheur comme venant de Dieu, comment ne pas accueillir de même le malheur ? » En tout cela, Job ne commit pas de péché par ses lèvres.

 

 

 

Chapitre 3

 

01 Après cela, Job ouvrit la bouche et maudit le jour de sa naissance.

 

23 Pourquoi Dieu donne-t-il la vie à un homme dont la route est sans issue, et qu’il enferme de toutes parts ?

 

 

 

Dans les chapitres 4 et 5 des « amis » de Job viennent le « réconforter » mais aussi soupçonner le caractère complètement immérité de son malheur. Job se révolte au chapitre  6 :

 

24 Instruisez-moi, alors je me tairai ; montrez-moi en quoi j’ai failli !

 

25 En quoi peuvent blesser des paroles de droiture ? Que trouvez-vous à critiquer ?

 

26 Prétendez-vous censurer des mots ? Les paroles d’un désespéré, le vent les emporte.

 

27 Vous iriez qu’à tirer au sort l’orphelin, jusqu’à mettre aux enchères votre ami !

 

 

 

Suit une longue discussion où Job se défend d’être un injuste.

 

Dans les chapitres 38 et 39  Jahvé  intervient lui-même en rappelant sa puissance :

 

Ch 38

 

01 Le Seigneur s’adressa à Job du milieu de la tempête et dit :

 

02 « Quel est celui-là qui obscurcit mes plans par des propos dénués de sens ?

 

04 Où étais-tu quand j’ai fondé la terre ? Indique-le, si tu possèdes la science !

 

33 Connais-tu les décrets des cieux ? appliques-tu leur charte sur la terre ?

 

34 Te suffit-il d’élever la voix vers un nuage pour qu’une masse d’eau te couvre ?

 

35 Est-ce toi qui lances les éclairs pour qu’ils partent, en te disant : “Nous voici” ?

 

Job s’humilie alors devant Dieu au chapitre 40

 

01 Job s’adressa au Seigneur et dit :

 

02 « Je sais que tu peux tout et que nul projet pour toi n’est impossible.

 

03 “Quel est celui qui déforme tes plans sans rien y connaître ?” De fait, j’ai parlé, sans les comprendre, de merveilles hors de ma portée, dont je ne savais rien.

 

04 Daigne écouter, et moi, je parlerai ; je vais t’interroger, et tu m’instruiras.

 

05 C’est par ouï-dire que je te connaissais, mais maintenant mes yeux t’ont vu.

 

06 C’est pourquoi je me rétracte et me repens sur la poussière et sur la cendre. »

 

 

 

Au chapitre 42 Dieu condamne les « amis » de Job à faire amende honorable

 

07 Or, après avoir adressé ces discours à Job, le Seigneur dit à Élifaz de Témane : « Ma colère s’est enflammée contre toi et contre tes deux amis, parce que vous n’avez pas parlé de moi avec justesse comme l’a fait mon serviteur Job.

 

Il comble alors Job de bienfaits

 

15 On ne trouvait pas dans tout le pays de femmes aussi belles que les filles de Job. Leur père leur donna une part d’héritage avec leurs frères.

 

16 Après cela, Job vécut encore cent quarante ans, et il vit ses fils et les fils de ses fils : quatre générations.

 

17 Et Job mourut âgé, rassasié de jours.

 

 

 

  

12) Différence entre théorie scientifique et croyance religieuse.

 

" Un credo religieux diffère d'une théorie scientifique en ce qu'il prétend exprimer la vérité éternelle et absolument certaine, tandis que la science garde un caractère provisoire: elle s'attend à ce que des modifications de ses théories actuelles deviennent tôt ou tard nécessaires, et se rend compte que sa méthode est logiquement incapable d'arriver à une démonstration complète et définitive. Mais, dans une science évoluée, les changements nécessaires ne servent généralement qu'à obtenir une exactitude légèrement plus grande; les vieilles théories restent utilisables quand il s'agit d'approximations grossières, mais ne suffisent plus quand une observation plus minutieuse devient possible. En outre, les inventions techniques issues des vieilles théories continuent à témoigner que celles-ci possédaient un certain degré de vérité pratique, si l'on peut dire. La science nous incite donc à abandonner la recherche de la vérité absolue, et à y substituer ce qu'on peut appeler la vérité "technique", qui est le propre de toute théorie permettant de faire des inventions ou de prévoir l'avenir. La vérité "technique" est une affaire de degré: une théorie est d'autant plus vraie qu'elle donne naissance à un plus grand nombre d'inventions utiles et de prévisions exactes. La "connaissance" cesse d'être un miroir mental de l'univers, pour devenir un simple instrument à manipuler la matière." Bertrand Russel Science et religion