La conscience est davantage une faculté qu’une idée ou une réalité. Pour le sens commun, la conscience est davantage rattachée au champ de la moralité, on parle de bonne ou de mauvaise conscience. Mais ce qui est peut-être plus difficile c’est de cerner le fait plus immédiat de nous rapporter au monde et à nous même.
Dans le domaine de la conscience du monde, le préjugé le plus courant est l'adéquation entre la conscience du monde et le monde lui-même, dans le domaine de la conscience de soi, le préjugé concerne surtout une stabilité du sujet.
Il va donc falloir tenter d’analyser, de façon descriptive ce qui se passe en nous lorsque nous avons conscience du monde, et quelles sont les modalités de la conscience que nous avons de nous-mêmes
I DESCRIPTION DE LA CONSCIENCE
A) Rapport complexe du sujet à l’objet.
Le préjugé le plus fondamental consiste dans la conviction issue de l'expérience première : on croit ce qu'on voit, et on croit que ce qu'on voit est tel qu'on le voit. C'est cela dont on peut démontrer l'impossibilité. Parce que la conscience du monde est une rencontre entre un sujet et un objet, qu'elle est nécessairement une imbrication réciproque de l'un dans l'autre.
1) Les différentes formes de conscience :
· La forme intransitive, le fait « d’être conscient », et alors il y a des degrés : sommeil, anesthésie, coma, rêverie etc.
· La forme transitive : on a conscience de quelque chose, cela suppose que l’on prenne conscience, et que la rapportons à nous même : « je vois tel objet »
· On peut ici distinguer comme le fait Ned Block (cf. votre livre p.84) entre une conscience d’accès qui correspond à toutes les informations potentiellement accessibles par un sujet et une conscience phénoménale qui désigne ce que cela fait au sujet d’avoir tel rapport au monde. Pour montrer cet aspect subjectif le philosophe Thomas Nagel montre par une expérience de pensée qu’il est rigoureusement impossible de savoir ce que cela fait d’être une chauve- souris.
2) Construction de l'objet par le sujet
· Nos sens : Nous voyons des phénomènes, pas des choses, et bien sûr notre conscience du monde est déterminée par la structure de notre perception, et notre corps (l'homme perçoit les sons entre 20 et 20000 hertz, le chat entre 20 et 60000 hertz)
· Les habitudes perceptives, lois inconscientes dont on constate la présence en nous lors d'illusions ou le pari (Merleau-Ponty), le fait qu'on ne voit jamais un cube par exemple
· Le langage, qui détermine les distinctions que l'on peut effectuer (cf. cours sur le langage)
· Les habitudes culturelles ou professionnelles (Un amazoninen non occidentalsé ne verrait pas "une église" cf. S. Dehanne qui, centré sur les protéines infectieuses avait mal interprété le titre du livre d’un malade, ce titre était « prions »)
· Les affects qui déterminent l'orientation de notre conscience, et qui peuvent déterminer notre attention.
· L’intentionnalité : le mode selon lequel on se rapporte à un objet. Husserl montre entre autres états que je peux me rapporter à un même objet en tant qu’il est un souvenir, ou en tant qu’il est présent. La maison que je vois, je la verrai différemment si elle est aussi celle de mon enfance. Je peux regarder un bâtiment comme touriste, architecte ou investisseur. TEXTE 1
C’est cette structure qui fait que je peux avoir un mode particulier de la conscience du monde, qui peut y constater des absences. Je peux aussi me rapporter à un objet comme absent : si je fouille dans mon sac et que je n’y trouve pas mon portable, c’est cette absence dont je vais prendre conscience. Sartre nomme cela des « néantités »
Conclusion : Il n'y a pas d'objet pur, il y a toujours une part du sujet dans la conscience de l'objet, et cette part se manifeste encore davantage à l'analyse par l'importance de la mémoire dans toutes conscience.
3) La conscience comme sélection et mémoire
Comme le montre dans un premier temps Bergson, la conscience signifie mémoire : si au milieu dune phrase ou d'un propos, j'en oubliais le début, je n'aurais pas même conscience de ma parole, si j'oubliais ce que mon regard a perçu dès qu'il change de direction, je ne pourrais avoir aucune conscience du monde. Il y donc nécessité d'une continuité de la conscience qui est assurées par la mémoire, mais il y a un autre aspect: une sélection.
Pour le montrer Bergson part d’une étude du vivant, de la spécificité qu’ont les vivants de s’inscrire dans le temps, et dans l’action. La conscience suppose la possibilité de l’action ; d’ailleurs « Qu'arrive-t-il quand une de nos actions cesse d'être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s'en retire » Bergson, L’Energie spirituelle Avoir conscience des choses c’est surtout classer dans le perceptible ce qui pourra nous aider à vivre et donc à agir pour vivre. Déjà un animal ne s’intéresse qu’à ce qui, dans son type d’existence, va lui permettre une action possible, et classe le réel en fonction de cela : un chat par exemple va être surtout, dans sa perception visuelle, sensible au mouvement, parce que c’est ce qui lui désigne une proie (ou un prédateur) potentielle. TEXTE 2
L’humain fait de même, il sélectionne dans le vaste champ de l’éventuellement perceptible, ce qui peut être utile à son action. « La perception, auxiliaire de l’action, (…) isole, dans l’ensemble de la réalité, ce qui nous intéresse ; elle nous montre moins les choses mêmes que le parti que nous en pouvons tirer. » Bergson, la pensée et le mouvant V.
Il pourrait alors y avoir des individus plus conscients du monde que d’autres, non pas seulement au sens courant parce qu’ils sont
plus informés, mais parce qu’ils apprennent à être attentifs, ou vigilants, à maintenir au plus haut degrés cette capacité d’attention soit dans le but d’agir justement, soit sans but déterminé.
On peut penser à la concentration du savant ou du lecteur mais pas seulement : Pour les qualités d'observateur, Voltaire donne un exemple avant Sherlock Holmes au Ch.III de Zadig Pour l'acuité de l'artiste, Jacques
Darriulat par exemple voit dans certains tableaux de Vermeer, une métaphore de l’attention, ce n’est évidemment pas la même que l’attention d’un policier, mais les deux se travaillent...
Conclusion partielle : la conscience est donc une réalité complexe dans laquelle le sujet et l’objet s’imbrique de manière souvent indistincte : nous avons vu combien le sujet intervenait dans la conscience du monde
Inversement le sujet est formé par ses rencontres avec l’objet, il ne peut y avoir de sujet « pur ». Un sujet qui n’aurait eu aucune expérience du monde extérieur serait purement inconscient. Ne penser à rien est d’ailleurs impossible cf. Husserl « toute conscience est conscience de quelque chose »
(C’est ce qui s'appelle en phénoménologie la structure noético-noématique)
Il y a donc bien une imbrication réciproque entre le sujet et l'objet. On pourrait chercher à la clarifier en cherchant à distinguer les deux.
B/ Distinction de la conscience du monde et de la conscience de soi
Entreprise de Descartes dans la (1ère méditation) qui consiste à mettre en doute le monde, à se séparer du premier rapport au monde qu’est la confiance TEXTE 3
- Cependant cette entreprise n’a pas pour but premier la mise en évidence de la conscience mais la recherche d’une vérité absolue
- - Problème de cette recherche : impossibilité de trouver un critère de vérité qui soit lui-même absolument certain.
- - Autre solution: Tout confronter à un doute et rejeter comme faux tout ce qui n’aura pas été reconnu comme absolument vrai.
Nota Bene :
- Il ne s'agit pas d'un doute :
- * un doute = une indétermination entre le vrai et le faux le doute Cartésien est une décision de rejet radical de tout ce qui n'est pas certain.
- * Doute volontaire, méthodique (méthode pour trouver le vrai) radical , provisoire (il n'a pas, comme le doute sceptique sa fin en lui même) et hyperbolique, parce qu'il ne se contente pas d'être un doute "raisonnable" mais qu'il va confronter la certitude recherchée à tout doute imaginable, comme le montre la formule dans le discours de la méthode partie 4 "je pensais qu'il fallait [...] que je rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point après cela quelque chose [...] qui fut entièrement indubitable."
- Ce qui résiste absolument au doute : ce n'est pas un élément sauvé du doute mais le sujet même du doute " Je prenais garde que pendant que je voulais penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose" Descartes Discours de la méthode partie IV
- La certitude absolue est le lien nécessaire entre le fait de penser et le fait d'être.
- Le cogito s'inscrit comme ce qui révèle la conscience comme distance au monde, qui permet de l'interpréter. En effet l'opération cartésienne est une mise à distance des objets du monde par une mise en doute. Là s'inscrit la séparation du sujet pensant et du monde.
Dès que je pense j'ai alors également conscience d'exister. Toute pensée est alors consciente au sens étymologique : elle s'accompagne toujours de la connaissance du fait que j'existe, elle est cum scientia. TEXTE 4
II LA CONSCIENCE ET LE STATUT DU SUJET
A ) Le sujet problématique.
1) La croyance dans le sujet
- Confusion cartésienne entre la conscience de soi et la connaissance de soi : Connaître que je suis ce n’est pas connaître ce que je suis.
- Ce que Descartes admet quand il passe du « je pense donc je suis » au « je suis une chose pensante » c’est l’identité et la permanence du sujet.
- identité du sujet est problématique
2) Le problème de l’identité du sujet.
- Cette identité est nécessaire pour penser : je dois pouvoir unir mes perceptions ou mes idées dans ma conscience pour pouvoir les traiter TEXTE 5 Nous commençons à comprendre que la conscience est une fonction qui sollicite la mémoire et une comparaison de l'homme à lui-même dans le temps.
- Elle est admise par le sens commun : L’expression même « j’ai changé » postule paradoxalement la permanence du sujet. Ça ne signifie pas qu’elle recouvre une identité indubitablement réelle.
- Elle n’est cependant pas universelle : ( Cf. rite de passage dans certaines tribus l’homme actuel n’a rien de commun avec l’enfant mort lors de son rite d’initiation.)
- Elle n’est pas non plus innée : L’enfant ne se saisit pas comme une entité unique immédiatement, il ne saisit pas les adultes comme des entités uniques ( cf. mère qui punit et qui caresse = 2 personnes cf. les contes) Parce qu’il ne parvient pas à effectuer la synthèse entre tous les aspects de sa personnalité, toutes ses représentations ( schizophrénie ) " J’ai connu que notre nature n'était qu'un perpétuel changement, et je n'ai pas changé depuis, et si je changeais je confirmerais mon opinion". Pascal pensées", Br. 375in La vérité
- L'enfant n'entrevoit que des états : Lui en colère, triste ou content. Il n'a pas encore effectué
l'opération intellectuelle qui consiste à ramener tous ses états à une unité, à un sujet.
D'ailleurs lorsqu'il effectue cette opération, un changement essentiel se produit. Kant disait qu'auparavant il ne faisait que se sentir et que maintenant il se
pense. TEXTE 6
Mais cela ne détermine pas qu'il soit ce que laisse supposer l'emploi constant du sujet "je", c'est à dire un être au sens fort. On ne doit pas confondre le constat d'un acte, l'acte intellectuel de ramener la diversité à une unité, et un être ; confondre un acte de la conscience avec la certitude de la possession d'une identité.
C'est pour cela que Kant dit que le "je" du "je pense" n'est pas le même que le "je" du "je suis".
3) Fragilité du sujet dans le temps
Changement des sentiments du sujet : "le temps guérit les douleurs et les querelles parce qu'on change, on n'est plus la même personne" Br 122
Changement de l'objet des sentiments : La personne est évanescente parce que réduite à des seules qualités variables : On pourrait toujours penser par exemple, que l'on aime une personne. Mais Pascal souligne : "On n'aime jamais une personne mais seulement des qualités". Pensées (323 Brunschvicg) Précision discutable du propos.
Le plus tragique c'est que cette identité est fragile, liée à la physiologie : sa dislocation est le sort qui attend un grand nombre de personnes ayant atteint un grand âge : la perte du sujet avant même le décès, par la dégradation inexorable de la mémoire.
4) statut du sujet pensant
Le statut du je ne correspond pas à une personne mais à un acte, l’acte d’effectuer une synthèse dans une diversité, et qui prend appui sur sa permanence dans le temps, qui elle même suppose une mémoire : « Ce n'est que parce que je puis saisir en une seule conscience le divers de ces représentations que je les nomme, toutes, mes représentations » Kant Critique de la raison pure, I, 1ère division , II, 1ère section § 16
B) Démonstration existentielle
1) Dualité de l'esprit
- Le sujet peut se prendre lui-même pour objet, dans une structure complexe, parce que ce seront ses rencontres avec le monde qu’il prendra pour objet. C’est ce qu’on appelle la conscience réfléchie, qui revient sur le sujet de la conscience.
- C’est ce qui permet à l’homme une distance par rapport à lui-même :
Les choses sont simples, elles ne sont que ce qu’elles sont. Les animaux ne donnent que des signes du sentiment qu’ils ont du monde, pas de la façon dont ils le pensent. Comme le dit Hegel. « L'homme, parce qu'il est esprit, a une double existence ; Il existe d'une part au même titre que les choses de la nature, mais d'autre part il existe aussi pour soi, il se contemple, se représente à lui-même, se pense et n'est esprit que par cette activité qui constitue un être pour soi. » Hegel Esthétique Signe : Le fait que l’homme se fait toujours lui-même qu’il n’est pas un produit naturel « L’homme ne veut jamais rester tel que la nature l’a fait » Hegel Cf. maquillage tatouage etc. Reconnaissance avec l’art
En conséquence, l'expression être soi devient l'expression d'un projet beaucoup plus que d'un constat, et le verbe être est ici un verbe d'action beaucoup plus qu'un verbe d'état.
Il est d’ailleurs une limite de cette mise à distance de l’homme par rapport à lui-même, et par rapport au monde, c’est le doute.
2) complexité du "je suis"
- Formulation commune de l’identité du sujet : je suis ce que je suis
- La question de ce que je suis n’est pas une question simple :
- Impossible détermination du sujet comme d’une intériorité que je pourrais décrire.
- C’est une erreur de déterminer la conscience comme une identité de soi à soi : « L’être de la conscience ne coïncide pas avec lui-même dans une adéquation plénière » Sartre, L’être et le néant
- Tout acte de conscience réfléchie revient sur un sujet réfléchissant non pas sur un objet : comme je ne peux pas être à la fois sujet et objet, la connaissance de soi par soi ne peut être une connaissance objective. « Livré à ses seules ressources, l’effort réflexif vers le dédoublement aboutit à l’échec, je suis toujours ressaisi par moi » Sartre Exemple: La tristesse, la conscience de tristesse n’est jamais le simple constat d’une tristesse qui serait objective: le simple fait de me savoir triste peut altérer ma tristesse, le regard sur moi peut varier, être complaisant ou volontaire
Même chose avec la croyance « la croyance est conscience de croyance ne saurait en aucun cas être pris pour un jugement d'identité » Sartre
3) La mauvaise foi
L'affirmation du "je suis ce que je suis" correspond alors à une affirmation fausse, à l'abdication du caractère
mobile de la conscience, à une mauvaise foi, une colle de la conscience. Dire je suis ce que je suis c'est affirmer que nos actes ou nos paroles sont le résultat d'un être que nous aurions, non
d'un acte que nous ferions. On peut s'enfermer par exemple, dans un rôle social (Sartre analyse un garçon de café), les représentations
d'un genre (masculin ou féminin). C'est alors oublier que "être soi" est un verbe d'action, non un verbe d'état, une quête plus que la possession tranquille d'une identité. Si l'identité est au
sens propre le fait d'être identique à soi, alors elle est une imposture. Elle se caractérise par une forme de sérieux qui est une emprise de soi pour soi (on se prend au sérieux) sans justement
maintenir un regard conscient sur soi qui nous préserverait un peu de cette inauthenticité. C'est ce que Molière arrive à montrer aussi avec le personnage d'Arsinoé dans le
Misanthrope Acte III, scène 4
4) Les conditions de la connaissance de soi
- L'introspection, concernant nos goûts, notre passé, nos connaissances "la connaissance de soi consiste à savoir ce qu'on sait et ce qu'on ne sait pas" Platon, Le Charmide 167a
- C'est ce qui fait de la connaissance de soi, ou même du fait d'être soi, un problème complexe qui comprend l'étude par exemple de la différence entre la mêmeté (le fait d'être identique à soi) et l'ipséité (forme d'authenticité et d'intégrité). C'est l'objet de toute un chapitre pour les spécialistes en HLP
- Les autres. "Autrui est le médiateur entre moi et moi-même". Sartre, L'Etre et le
néant La vraie conscience d'être ceci ou cela, c'est à dire de se concevoir comme objet, n'est possible que par l'autre. TEXTE 12
III LA VALEUR DE LA CONSCIENCE
A/ Grandeur et misère de l’homme
1) grandeur du discours sur le monde
- La conscience est certes une grandeur: On a vu que l'homme était par elle autre chose qu'un simple vivant, parce qu'il pouvait prendre ses distances avec le monde, le comprendre et l'interpréter
- La conscience prend en considération la question du sens ( distinguer de l’explication qui détermine les causes d’un phénomène)
- La conquête, non immédiate d'ailleurs, de la conscience dit Kant élève l'homme: elle en fait « un être entièrement différent par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison. » Anthropologie du point de vue pragmatique
2) Lien entre conscience assumée et philosophie
- La conscience instaurant la dignité de l'homme instaure donc aussi une obligation:
- A ce titre distinguer la conscience immédiate et la conscience réfléchie; la conscience qui accompagne mes actes comme un témoin muet et le retour sur ces actes pour les juger ou les déterminer.
Si le fait de s'interroger, de chercher à comprendre le monde constitue la dignité de l'homme, on ne peut assumer son humanité sans prendre en compte ce questionnement sans « se poser de question »
La conscience, par l'espace qu'elle instaure apparaît alors comme la condition de possibilité de la philosophie.
3) Valeur de la conscience de soi
- Conscience de ses actes et de leurs conséquences, => responsabilité
- Conscience de ses actes passés et de nos motivations = authenticité, ne pas s’illusionner sur soi, intérêt des dé constructeurs, moralistes du XVIIème par exemple La Bruyère ou Chamfort et Nietzsche, ceux qui repèrent dans la compassion par exemple, la possible satisfaction d’un sentiment de supériorité.
A ce titre l'attitude de Socrate est éclairante: Il ne demande jamais un savoir mais une prise de conscience: L'interlocuteur Socratique n'acquiert pas un savoir transmis, il sait qu'il ne sait pas, il parvient à une prise de conscience: L'apparente modestie de Socrate, lorsqu'il affirme que son seul savoir consiste à savoir qu'il ne sait pas est en fait l'affirmation d'une supériorité de la prise de conscience sur le simple savoir. Cependant ce constat n'est pas fondateur. Il est certes important de savoir qu'on ne sait pas, mais il faudrait aussi savoir ce qu'on sait.
4) La misère de l’homme
La conscience peut cependant marquer également la misère de l'homme:
- Elle fait de l'homme un être à part, "de trop" dirait Sartre, il n'a pas comme l'animal, le guide sûr de l'instinct.
- D'autre part la conscience est ce qui permet d'être le seul animal qui sait qu'il va mourir, elle donne à l'homme la dimension dérisoire de sa place "entre deux infinis "dit Pascal, poussière éphémère dans l'espace éternel.
C'est cette ambivalence que note Pascal: « C'est être misérable que de se connaître misérable; mais c'est être grand que de connaître qu'on est misérable »
L'avantage est donc laissé à la grandeur: « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de al nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser: une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien » Pascal Pensées 348
La conscience immédiate du monde, qui se présente sous une la forme de l'évidence est en réalité une construction complexe qui demande une étude. Elle présente des degrés en fonction de l'acuité, et de l'attention de sujet conscient. Elle peut également s'évaluer en fonction d'une "prise de conscience" des situations, de leur analyse, c'est alors ce qu'on nomme la lucidité. On voit que dans la conscience du monde, le sujet et l'objet sont intriqués. On peut cependant les séparer intellectuellement par l'opération limite du doute, par où l'on constate que la conscience peut s'atteindre elle-même. Il reste à déterminer la complexité de la conscience de soi, qui oblige à s'interroger sur le sujet lui-même : il est clair que l'opération par laquelle le sujet prend conscience de lui-même l'altère, ce qui fait qu'il n'est jamais complètement "naturel", mais on peut aussi considérer que la conscience porte sur un substrat difficilement définissable d'aspirations, de goûts, de convictions, sur lequel elle s'interroge.