LA NATURE
La nature peut avoir plusieurs sens : c'est d'abord l'ensemble du réel qui n'est pas l'œuvre de l'homme ( tout ce qui n'est pas produit par l'humain). Mais plus
profondément si la nature c'est ce qui naît, qui croît, qui s'engendre la nature est pensée comme force, voire comme un ensemble de principes qui peuvent correspondre à une structure organisée
(c'est en ce sens que l'on va parler d'une nature "bien faite"). C'est surtout ce sens qui va nous intéresser dans un premier temps, pour considérer en quoi il représente surtout une projection
fantasmatique de l'humain ou une vision théologique qui ne serait légitime que si elle s'assumait comme telle.
Mais la nature c'est aussi l'essence propre d'une chose. Et là c'est surtout concernant l'humain et la possibilité d'envisager ou non une possible nature humaine que nous organiserons
l'examen de ce concept.
I STATUT DE L’IDEE DE NATURE
A)Une représentation fantasmatique
De manière générale la nature fonctionne comme une représentation fantasmatique, c'est une idée dont la connotation est plus puissante que sa dénotation n'est claire (elle parle plus à l'affect qu'à la raison). D'où son usage immodéré par les maîtres du désir que sont les publicitaires. En voilà un exemple
1) Une vision de la nature conforme à un idéal humain
Fantasmes fruit d’une personnification inconsciente de la nature
Représentation d’une nature correspondant à une harmonie à la fois interne et externe.(cf. cours sur la religion). La nature est faite et bien faite : les yeux sont faits pour voir, l'oiseau pour voler etc. Cette idée, on la trouve déjà chez Aristote c'est celle de la finalité.« Dans les œuvres de la nature, ce n’est pas le hasard qui règne, mais c’est au plus haut degré la finalité » Aristote Les Parties des animaux
Cette vision est compréhensible hors d’une possibilité d’explication autre. Or la biologie, depuis Darwin, offre un modèle plus économique du vivant. Il est nécessaire de traduire tous les énoncés biologiques en terme non finaliste.
Fantasme d’une nature qui répond à un ordre interne autre que la simple coadaptation des membres d’un système au système donné ( un écosystème ) Cf. " la vie trouve toujours son chemin." La transgression implique punition ou vengeance "la nature se venge"
Fantasme de l’innocence et de la pureté de la nature : opposition au « pollué », surexploitation publicitaire, apparition de « médecines naturelles ».
Assimilation du naturel au bénéfique pour le vivant : " La nature traite tous les animaux abandonnés à ses soins avec une prédilection égale " Discours sur l'origine de l'inégalité
Naïveté de cette représentation de la nature : Nietzsche : profonde indifférence et cruauté de la nature : « imaginez l’indifférence même muée en puissance » Par-delà le bien et le mal ( partie I §9) TEXTE
Cette représentation n’est pas forcément fausse, mais elle comporte de forts présupposés métaphysiques qui ne sont pas interrogés. Si la nature est « bien faite » c’est que quelqu’un l’a faite, et ce ne peut être que Dieu.
2) Nature normative sur le plan humain Considération d’un mode de vie « naturel »
Opposé à un mode de vie sophistiqué
Opposé à un comportement qui choque un modèle social établi (Cf. l’homosexualité présentée comme contre-nature)
Opposé au raffinement, à la décadence, à l’affectation
Bénéfice de l’idée de nature exploitée ainsi : permet de passer du « cela me déplait » à « il ne devrait pas en être ainsi ».
Condamnation paradoxale, parce qu’aucun comportement humain n’est « naturel », dire par exemple à un enfant « sois naturel » est ce qu’on appelle une injonction paradoxale. Dénoncer l’affectation c’est paradoxalement dénoncer un comportement qui consiste à prétendre qu’un acte ou un comportement est « naturel ».
Conclusion partielle : La nature n’est pas un concept qui permet de comprendre, c’est un concept qui est le produit du désir humain. Comme le dit Clément Rosset : « La Nature est une idée du désir, pas de la raison »
B) La nature comme modèle politique
1) Constat de l'exploitation de la nature comme modèle
Ancienneté de l’axiologie
La plus ancienne forme est celle de la « loi du plus fort » considérée comme naturelle, et pervertie par l’homme : « Mais la nature elle-même, d'après moi, nous prouve qu'en bonne justice celui qui vaut plus doit l'emporter sur celui qui vaut moins » le Gorgias (483a)
Exploitation du Darwinisme par une idéologie ultra libérale :
Discours sur la nécessité d’un état qui se limite à des fonctions régalienne pour que se joue, dans l’ordre économique, une régulation analogue à celle qui se joue dans la nature : seuls les plus adaptés survivent. « L’égalité doit se limiter aux garanties juridiques, car l’inégalité et la sélection du plus apte, avec leur corollaire, l’inégalité économique, sont une loi de la nature » WG Summer ( disciple de Spencer 1883 )
Même actuellement le vocabulaire politico économique se teinte d'expressions biologiques discutables : nous serions en retard sur une adaptation par rapport à une compétition, il faudrait une "mutation" plus rapide pour une survie. cf. Barbara Stiegler Il faut s'adapter.
2) Invalidation Darwinienne de la sociobiologie
Le modèle Spencérien ne retient que la mutation comme principe de sélection. Or le comportement est lui-même également sélectionné. Le comportement qui consiste à préserver les plus faibles et à ne pas laisser la seule sélection naturelle présente lui-même un avantage évolutif ( avantage analogue à l’entraide dans une meute).
- Avantage en terme d’invention
- Avantage structurel : Un groupe solidaire peut avoir une meilleure chance de survie qu’un groupe déchiré par des luttes constantes et des rivalités.
« la sélection naturelle sélectionne la civilisation qui contrarie la sélection naturelle » Patrick Tort Darwin et la science de l’évolution.
Transition : Prendre la nature comme modèle ne se limite pas au seul domaine politique, on peut observer la tendance à prendre la nature comme modèle social généralisé. Tentative donc, de compréhension de la nature, non par elle-même, mais par rapport à un contraire qu’on pourrait déterminer : la culture
II OPPOSITION DE NATURE ET CULTURE, DE L’HOMME ET DE L’ANIMAL
L'animal est souvent considérée comme cette altérité "naturelle" qui permet justement de considéré (et valoriser) l'homme. Il faut interroger la pertinence de cette opposition entre culture humaine et nature animale.
A) Les écueils de la distinction radicale
1) De la détermination des qualités à la distinction radicale
La distinction entre nature et culture est toujours considérée comme une différence de nature entre l’homme et l’animal, une différence fondée sur le constat discutable de facultés difficilement identifiables comme la liberté : « La nature commande en tout animal et la bête obéit » Rousseau Discours sur l’origine de l’inégalité, ou bien la faculté d’avoir une conscience réfléchie : « grâce à l'unité de la conscience (…) il est une seule et même personne, c'est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison(…) Il se pense » Kant Anthropologie du point de vue pragmatique.
Cette distinction a même pu aller jusqu’à dénier au bêtes toute communauté avec l’humain, voire même toute sensibilité (ce que ne fait pas Descartes, mais Malbranche, bon arbre mauvaise branche).
« Il est plus probable de penser que se meuvent comme des machines, les vers de terre, les moucherons, et les autres animaux » Descartes Lettre à More du 5 février 1649
Non seulement cette attitude conduit à une cruelle indifférence mais elle est viciée à la base en ce qu’elle ne considère pas l’animal en lui-même, mais seulement comme celui qui manquerait des qualités que l’on veut bien constater et valoriser chez l’humain.
2) La prise en compte de l’éthologie.
https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2006-2-page-29.htm#
Les études non plus sur l’homme, pour en montrer la spécificité, mais sur l’animal remettent en question des distinctions souvent idéologiques.
- Des capacités animales souvent sous estimées souvent d’ailleurs en raison d’un biais méthodologique qui consiste à expérimenter en laboratoire sans tenir compte des individus. Des biologistes comme Yves Christen mettent l’accent sur des individualités animales, sur les anecdotes de certains observateurs, primatologues notamment pour montrer que les animaux peuvent analyser, compter, parfois mentir, faire preuve d’une vie psychique complexe. Cf. des exemples de L’intelligence des animaux
On peut même contester l’exclusivité de la culture au seul humain. Il faudrait pour cela changer de définition de la culture, et considérer comme culturel tout Comportements innovants, qui soient transmis de façon sociale et quei peuvent varier d'un groupe à l'autre" Dominique Lestel C’est ce qu’on fait ausis plusieurs éthologues, et plus particulièrement des primatologues comme Diane Fossey, ou Jane Goodall
Plusieurs arguments y concourent :
- l'existence d'une éducation chez de très nombreuses espèces (mammifères, oiseaux, reptiles entre autres) dans ses deux aspects : apprentissage et enseignement à un tiers.
- On retrouve chez les animaux les différents éléments qui sont traditionnellement invoqués pour qualifier le phénomène culturel : langage (différencié au sein d’une même espèce), outils, présence de règles, etc.
- il peut exister, au sein d'une même espèce animale, différentes cultures (ex. : chez les chimpanzés, qui utilisent des techniques de chasse différentes selon les groupes).
Tout concourt à infirmer la thèse d’une distinction essentielle entre une animalité mécanique déterminée par un instinct mécanique et une humanité guidée par la représentation de ses propres actions.
En somme l’homme serait différent du chimpanzé par exemple, comme le chimpanzé des fourmis, il n’aurait pas de statut à part dans le règne animal. "Rien ne justifie d'attribuer aux cultures humaines un statut spécial, alors qu'un statut particulier est largement suffisant."
Dominique Lestel Les origines animales de la culture
B) Les considérations et projets des anti-spécistes
1) Il y a certes équivocité chez l'homme entre sa nature et sa culture
L'homme met en avant le fait qu'il soit différent de l'animal en tant qu'être de culture, mais la frontière entre sa culture et sa nature est indiscernable :
Comme le rappelait déjà Rousseau dans le discours sur l’origine de l’inégalité l’homme est tellement pétri de culture qu’il est difficile d’envisager une nature quelconque. Même ce qui semble naturel, connaît un grand nombre de variations, manger bien sûr mais aussi dormir, respirer etc. Ce que Mauss a étudié dans Les techniques du corps Il nomme habitus ce qui relie ces trois caractéristiques (physique, psychologique et sociologique), qui nous permettent d’agir.
Il semble donc qu’il faille parler d’une impossible détermination de la « nature humaine », d’une distinction nette entre la culture et la nature.
2) Le spécisme et le droit des animaux.
Le droit des animaux, entre protection et abolitionnisme (ce dernier terme est clairement une référence à l'esclavage)
Les défenseurs des droit sont à ce titre héritiers de la réflexion de Bentham sur le questionnement pertinent à propos de l’animal : “La question n’est pas : Peuvent-ils raisonner ? Ni : peuvent-ils parler ? Mais : peuvent-ils souffrir ? " Introduction à Principes de morale et de legislation.
Des penseurs comme Tom Regan ou Gary Francione, à la fois juristes et philosophes considèrent que le fait d’avoir une pensée complexe ou simplement le fait d’être un individu sensible implique le fait d’appartenir à une communauté morale. Tout sujet sensible est donc par conséquent un sujet de droit.
Excès de l'anti spécisme :
Le spécisme est un terme fondé sur le modèle du racisme : comme on a distingué des races entre humains, on a distingué des espèces afin d’autoriser ou de justifier les maltraitances ou l’exploitation à renier la spécificité humaine, l’antispécisme devient un antihumanisme : « lorsqu’il s’agit des membres de notre espèce qui n’ont pas les caractéristiques normales d’un être humain, nous ne pouvons plus affirmer que leurs vies sont toujours à préférer à celles d’autres animaux. » Stinger La libération animale.
Bentham rappelle que si l’on considère les aptitudes pour déterminer l’obtention des droits, alors un animal en bonne santé est plus apte qu’un handicapé par exemple.
Dans le même registre l'historien américain Charles Patterson publie sur la condition animale un livre intitulé : Un éternel Treblinka (2003). Il faudrait étudier ce que ce titre a d'inadéquat ( en dehors de son aspect scandaleux)
C) Les écueils de la confusion entre homme animal.
1) Le caractère central de l'éducation et de l'héritage culturel
L’animal est capable à la fois d’apprentissage, et dans une certaine mesure d’enseignement. Ce n’est peut-être qu’une question de degrés mais chez l’homme l’enseignement est central. Un animal va pouvoir être ce qu'il est sans éducation, un humain non. C’est ce que montrent les exemples recensés par Lucien Malson TEXTE dans son livre Les enfants sauvages. Il montre qu’ils sont incapables.
- D’acquérir la station droite
- D’accéder au langage doublement articulé
- D’avoir une perception affinée (ne reconnaissent pas le plat du relief, confondent les choses et leurs images)
- D’avoir un appétit sexuel pour des partenaires de la même espèce.
Globalement on peut distinguer assez clairement l’hérédité chez autres animaux et l’héritage chez l’homme.
2) La difficulté juridique d'un droit animal
L'impossible définition juridique de l'animal
L'animal serait d'abord difficile à définir, si on parle de tous les animaux, ou des animaux "sensibles", peut-on exclure les insectes ? Et comment les inclure ? Comment accorder aussi une considération juridiques aux puces etc. comment même protéger un animal contre un autre : doit-on considérer les droits de la gazelle ou ceux du lion ?
D'ailleurs rappelons que dans le droit Français, "l’Animal en tant que tel n’existe pas. Ce qui existe, ce sont des types de relations homme/ animal qui déterminent différents régimes juridiques d’animaux" Francis Wolff, « Des conséquences juridiques et morales de l’inexistence de l’animal », Pouvoirs, 131
Difficile de donner des droit à ce qui ne peut être défini, même s'il est possible d'accorder une protection juridique aux animaux qui ont une relation particulière avec nous (animaux de compagnie, d'élevage)
L'impossible inclusion de l'animal dans le fondement du droit
Il faut résoudre le problème soulevé par Bentham d'une considération de l'homme en fonction de ses capacités : pourquoi considérer comme humains des êtres qui n'auraient pas davantage de capacités qu'un animal très développé.
Pour le comprendre il faut savoir ce qui fonde le droit : la notion de réciprocité, et pour considérer sa justice, il faut s'abstraire de sa situation réelle pour envisager toute situation possible (c'est le sens des différentes expériences de pensée comme celle de J.Rawls). Qu'est ce qu'un droit juste ? Un droit qui pourrait me protéger quelques soient les hasard qui me placerait dans telle ou telle situation ( riche, pauvre, sain, malade, handicapé ou grabataire, valide etc.). Voilà pourquoi les humains sont tous considérés comme égaux a priori « Se sachant tous virtuellement vulnérables et ignorant leur degré de vulnérabilité réelle, ils se déclarent égaux a priori. Leur égalité est ainsi l’effet d’une assertion performative du même type que celle qui est à l’origine des Déclarations des droits humains » Francis Wolff, Plaidoyer pour l'universel
Difficulté de considérer les fins de l'animal
L'animal ne peut non plus être sujet de droit parce que bien qu’objet légitime d’affection ses fins peuvent, pour sa propre sécurité, être contredites : il est bénéfique de stériliser des membres d’une population animale pour éviter sa surpopulation, ce serait un scandale pour des humains. Cela ne signifie pas que l’on puisse dénier à une population animale sauvage, les possibilités de son existence, et détruire son environnement, mais ce sera davantage au nom d'une préservation d'une espèce que d'un individu.
3) La nécessaire reconnaissances de la sensibilité animale
Il est difficile de savoir si l’homme a des devoirs envers l’animal (comme le considère Rousseau) ou s’il a des devoirs envers lui-même (comme le considère Kant) concernant l'animal.
Il n'en demeure pas moins que , si l'homme peut exclure l'animal du droit parce qu'il n'est pas son semblable, il ne peut l'exclure des êtres sensibles. « Si je suis obligé de ne faire aucun mal à mon semblable, c'est moins parce qu'il est un être raisonnable que parce qu'il est un être sensible ; qualité qui, étant commune à la bête et à l'homme, doit au moins donner à l'une le droit de n'être point maltraitée inutilement par l'autre" Rousseau Discours sur l'origine... de l'inégalité... .En conséquence la plus grande économie dans la souffrance animale devrait être une règle, la torture, pour des raisons soit disant "culturelles" devrait être une prohibition stricte, et la surveillance d'une observance de cette économie, notamment dans les abattoirs, devrait s’imposer comme une précaution minimale.
« Nous devons la justice aux hommes, et la grâce et la bénignité aux autres créatures » Montaigne Essais II, 11
Une autre difficulté se fait jour dans le rapport entre nature et culture, une autre confusion qui ne va pas consister en une déconsidération de la nature mais en une difficulté des rapports entre les différentes cultures humaines.
III L’IDEE DE NATURE HUMAINE OU DE CONDITION HUMAINE
A) Le racisme
Le racisme a connu un tel rejet qu'il est parfois employé pour considérer toute attitude qui nous semble socialement déplaisante. Il faut lui conserver sa caractéristique fondamentale.
1) Caractéristiques
- La croyance en la race ( détermination biologique) instrumentalisation, à nouveau de la nature pour considérer une hiérarchie.
- Croyance en une corrélation entre caractères physiques et caractères intellectuels, psychologiques et moraux.
- L’affirmation d’une hiérarchie entre les races
- Droit à une race d’en dominer une autre
- Volonté de préservation de la mixité ( ou bâtardise)
2) Origines du racisme
Le racisme est une aberration de la classification scientifique. Il a toujours existé à titre de préjugé mais paradoxalement la
science a considérablement contribué à un discours de légitimation : la taxinomie des naturalistes a divisé le vivant en espèces, sa passion classificatoire a continué entre les humains.
Mais c’est surtout l’idée selon laquelle il pouvait y avoir une ascendance animale de l’homme qui a contribué à considérer, en l’homme une plus ou moins grande proximité avec l’animal. Bien
entendu Darwin a joué un rôle (bien malgré lui) parce qu’il montre cette ascendance animale de l’homme mais d’autres avaient déjà envisagé une évolution de l’homme : parce que la religion ne
les influençait pas (Diderot Maupertuis). Ce sont surtout certaines découvertes archéologique qui montrèrent que l’homme était beaucoup plus ancien que ce que disaient les textes religieux. (Par
exemple Paul Tournal en 1827 montre que des hommes sont contemporains d’espèces animales disparues). Paradoxalement la paléo anthropologie peut avoir incité les hommes à penser qu’il y avait des
degrés dans l’évolution et donc une plus grande proximité de certains groupes humains avec les animaux.
Cependant le caractère idéologique des racistes « scientifiques » ne fait aucun doute, il suffit de considérer leurs approximations psychologiques (comme dans cet extrait d’Arthur de Gobineau)
3) sa réfutation scientifique et philosophique
La faiblesse des arguments racistes, l’approximation de leur méthodologie, leur confusion entre génétique et psychologie, leur ignorance des considérations sociologique avaient déjà amené les épistémologues à considérer le racisme scientifique comme une imposture. La génétique a pu contribuer à montrer que l’espèce humaine est structurellement une et que les races pures sont un simple fantasme. (vous pouvez trouver ici une analyse détaillée de cet apport scientifique). Avant les dérives scientistes et pendant, les penseur avaient déjà constaté, avec Montaigne notamment, que « les hommes sont tous d’une même espèce ».
B) La négation ethnocentrique
Elle n’est pas exactement de même nature, on peut considérer une hiérarchie culturelle sans être raciste (on peut évidemment être les deux). Elle cherche à établir que des culture sont plus « proches de la nature » moins « civilisées ».
1) la confusion
Consiste à confondre ma culture et la culture, et à rejeter dans l’animalité ou l’infériorité tout ce qui est culturellement différent.
Cf. le barbare ou « le sauvage ». Ces termes désignent directement une appartenance à ce qui n’est pas civilisé, ce qui ferait partie du monde animal : « On préfère rejeter dans la nature tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit." Lévi Strauss: Race et Histoire
Tendance très claire : « humain » se dit cheyenne en cheyenne etc.
2) Dénonciation de la confusion:
- L'ethnocentrisme conclut du semblable à l'humain. Problème seul un groupe animal est semblable à un autre groupe animal: « Posons donc que tout ce qui est universel chez l'homme relève de l'ordre de la nature et se caractérise par la spontanéité que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier. » Lévi-Strauss: Les structures élémentaire de la parenté. (Même si, comme on l'a vu, l'idée de culture animale n'est pas absurde, elle ne correspond pas à la même réalité)
- Un seul universel culturel : la prohibition de l’inceste.
Pas de justification intellectuelle de l’ethnocentrisme, mais compréhension possible. Cette confusion relance cette question : peut-on parler d’une nature humaine au-delà des cultures
C) L’affirmation possible d’une condition humaine universelle.
1) La nature de l’homme consiste à interpréter sa nature par sa culture.
La considération correcte de l’homme serait que toute culture est culture au sens propre et que comme telle, en tant qu’expression de la conscience, elle est une séparation de soi à soi, une distance. Une culture est toujours une interprétation de la place de l’homme dans le monde, une représentation de l’homme par lui-même, elle n’est jamais une présence à soi. Comme on l’a vu dans la conscience l’homme se transcende lui-même et toute culture est une marque de la conscience. L’homme peut se penser intermédiaire entre la terre et le ciel, l’animal et le dieu, l’expression charnelle d’un rêve etc. Même l’affirmation par certaines culture, de leur proximité avec la nature (comme la culture Achuar décrite par P. Descola) est une représentation de soi, et donc autre chose qu’une nature. En ce sens on peut parler d’une égalité des cultures.
2) L’égalité des cultures
Comme on l’a vu, dans leur distance avec la nature, oui. Et de façon évidente l’affirmation d’une supériorité est absurde, elle se ferait justement en fonction de critères culturels. En revanche affirmer l’égalité des cultures peut présenter un paradoxe : C’est une façon de rendre illégitimes toutes les cultures qui se pensent supérieures… C’est-à-dire presque toutes les cultures (voilà le sens de la parole de C. Lévi-Strauss « le barbare c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie » Race et histoire 1968). Le différentialiste va considérer, en ne faisant que suggérer le suprématisme, une incompatibilité entre les cultures, une imperméabilité : Monsieur Poutine déclarait le 18 mars 2021"Même s'ils croient que nous sommes comme eux, nous sommes différents ! Nous avons un code génétique, culturel et moral différent". Contre ce particularisme on peut noter que dans chaque culture il y a eu des luttes contre cette barbarie qui consistait à croire en la supériorité exclusive de sa propre culture.
La civilisation occidentale par exemple a malheureusement présenté un triste exemple de croyance en sa propre supériorité et il est bon de rappeler ses erreurs et ses fautes. Elle a aussi comme toute culture présenté des individualité capables de considérer une égale condition humaine dans toutes les cultures, voire même une supériorité des autres cultures dans certains domaines. Le célèbre chapitre des essais de Montaigne intitulé « Des cannibales » Livre I, Ch.31 le montre bien : les cannibales sont moins barbares que nous. Certes ils cuisent des gens morts pour les manger, mais c’est bien moins barbare que de brûler des hommes vivants parce qu’ils ne sont pas de la même religion. C’est surtout cette possibilité de nier notre commune humanité au nom de prétendues absoluités culturelles qui constitue une barbarie dont toutes les cultures présentent de tristes exemples.
Petit annexe : quels pratiques culturelles sont inacceptables, lesquelles peuvent être acceptées même si elles sont choquantes ? Celles des Satéré Mawé amazoniens, qui initient les jeunes gens avec des fourmis balle de fusil ?