LE DEVOIR

 

 

 

 

I/ LE SENTIMENT COMME FONDEMENT DU DEVOIR

 

A)     Pitié et conscience

æ  On peut considérer que toute morale aurait pour base une répugnance instinctive au mal : " Il est donc certain que la pitié est un sentiment naturel qui, modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation de l'espèce."  Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité. 1ère part, p I98 G.F 

æ  Formule :" Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible » ibid. Problème : s'agit-il déjà d'une morale ?

æ  Non, il s'agit d'une simple répugnance instinctive à voir souffrir autrui. Confère contexte : la pitié appartient à l'homme dans l'état de nature c'est à dire dans un néant de relation sociale. « Les hommes dans cet état n'ayant entre eux aucune sorte de relation morale ne pouvaient être ni bons ni méchants » ibid.

æ  Les seuls sentiments à l'état de nature ne sont pas en eux-mêmes moraux, il y a une ignorance de la moralité : « Les sauvages ne sont pas méchants précisément parce qu'ils ne savent pas ce qu'être bon. » ibid.

æ  Ce serait donc de la connaissance du bien que viendrait la moralité et c'est la raison qui nous le ferait connaître car elle nous permettrait de conformer notre volonté particulière à la volonté générale, ce qui, proprement se nomme la vertu. " La vertu n'est que cette conformité de la volonté particulière à la générale". Discours sur l'économie politique. La raison serait-elle alors ce fondement de la moralité ? non. "Connaître le bien, ce n'est pas l'aimer". Emile livre IV : Profession de foi du vicaire savoyard "  

æ  Il faut donc un sentiment qui nous pousse à aimer ce Bien que nous connaissons par la Raison. Or par le fait que l'homme est sociable, on prouve que l'homme n'a pas seulement des sentiments qui se rapportent à son espèce et c'est du double rapport à soi et à l'espèce que naît le sentiment qui porte à aimer le bien : la conscience. « L'homme n'a pas la connaissance innée (du bien) mais sitôt que sa raison le lui fait connaître, sa conscience le porte à l'aimer : c'est ce sentiment qui est inné ". ibid.

Il faut donc pour qu'il y ait une moralité :

æ  La raison qui fait connaître ce qu'est le bien

æ   Le sentiment qui porte à aimer le bien : la conscience. "Instinct divin juge infaillible du bien et du mal". Il s'agit donc bien d'une morale du sentiment.

 

B)     Problèmes des morales du sentiment

æ  Elles considèrent qu'il y a dans l'homme une force qui le pousse à faire le Bien, et donc, nous jugeons que ce sentiment est bon.

æ  Mais qu'est-ce qui nous permet de le juger tel ?

æ  Si l'on est capable de distinguer de bons et de mauvais sentiments, c'est que la règle du Bien se trouve ailleurs que dans ces sentiments, qu'il y a une règle morale qui nous permet de dire en quoi un sentiment est bon.

æ  Si nous jugeons qu'un sentiment est bon c'est que nous avons une référence qui nous permet de le juger tel

æ  Pensée circulaire: ON peut fonder une morale sur les sentiments parce qu’il existe de bons sentiments. Encore faut-il savoir ce qui fait que ces sentiments sont bons, savoir ce qu'est le bien.

 

II LA CONNAISSANCE DU BIEN.

A)     La bonne volonté

Kant rejette tout ce qui antérieurement était considéré être bon.

æ  La moralité ne dépend aucunement des qualités d'un individu Fondements de la métaphysique des mœurs, section I, § 2  maîtrise de soi du tueur.

æ  Ne dépend pas non plus des effets: 3 ibid. : une action peut-être morale et ne pas avoir l'effet souhaité.

æ   Elle ne dépend pas non plus de l'inclination, c'est à dire d'un sentiment qui nous pousserait à agir conformément au devoir,

o   Exemples : Deux actions identiques, toutes deux conformes au devoir, deux marchands qui vendent honnêtement, cependant l'un le fait par des principes de probité, l'autre par intérêt. Une seule de ces actions est morale. Deux actions ont eu la même matière mais la forme est différente.

 

B)     Le respect de la loi

Si la moralité n'est ni dans l'inclination ni dans les fins qui peuvent être atteintes par l'action, elle ne peut se trouver que dans l'intention, abstraction faite du but poursuivi, c'est à dire dans l'intention de faire ce que l'on doit faire, autrement dit, dans la nécessité d'accomplir une action par pur respect pour la loi.

Ø  "Le devoir est la nécessité de faire une action par respect pour la loi » ibid. section. I § I5

Ø  Note : le respect est l'effet de la loi sur le sujet.

Ø  Ce qu'il y a d'essentiel dans la morale, c'est que l'individu puisse agir d'après la seule représentation de la loi § I6 (I)

Ø  Ce qui montre que la morale dépend de la raison : Les choses se meuvent en fonction de lois, les êtres non raisonnables agissent en fonction de lois (instinct). Seul, l'être raisonnable peut se déterminer en fonction de la représentation d'une loi.  Cf. Section 1 § 16 (101) Section.2 §12 p.122 §46.

 

C)     La loi en elle-même

Reste à savoir quelle est cette loi dont le respect constitue la moralité.

Ø  Elle ne peut avoir de contenu car tout contenu quel qu'il soit pourrait cacher un mobile (par exemple aimer son prochain pourrait être un conseil de prudence etc.)

Ø  Il ne reste donc que la seule forme de la loi qui puisse être retenue.

Ø  - Quelle est la forme de toute loi ? " Tous les hommes naissent libres et égaux en droit " " Tout homme a le droit au travail " etc. Forme commune à toutes ces lois L'universalité.

Ø  Le devoir sera donc cette "simple conformité à la loi en général" autrement dit : "Je dois toujours agir de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime devienne une loi universelle. Ibid. §17 p.103

C'est à dire :

-          Il faut que je puisse vouloir que tout individu agisse pour les mêmes raisons que moi j'agis.

-          Il faut une absence de contradiction dans ma maxime i.e. : Je dois agir conformément à la raison. Exemple de la promesse ibid. Section 1 §18

-          Action :faire une promesse sans intention de la tenir . Maxime à la base de cette action : Faire une fausse promesse est possible pour se tirer d'embarras est possible L'universalisation de cette maxime est impossible : détruit le concept même de promesse.

-           Agir moralement c'est agir conformément à ce que la raison ordonne. " Les concepts moraux ont leur source et leur siège dans la raison." ibid. Section.2 §10

æ  Remarque 1 : Accord de cette loi avec le sens commun : « Si tout le monde en faisait autant ? »

æ  Remarque : Même quand l'individu viole la loi il l'affirme. Il ne veut pas que sa maxime devienne une loi universelle; il se seulement une exception en faveur de son inclination. Cf. section 2  §40.

 

La fin de la moralité :

æ  La moralité ne peut avoir de fin relative pour laquelle elle ne serait qu'un moyen : La morale détermine des fins la loi morale la fin inconditionné.

æ  Il faut une fin en soi : L'être raisonnable. « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien en toi même que dans la personne d'autrui, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen. »  ibid. Section 2 §49 (p 150)

Autonomie de la volonté :

 

 

III LA MORALE DE L’AMBIGUÏTE

A) Problèmes de la morale rationnelle

-        La conscience morale est comme un fait : La loi morale est donnée , c'est un fait non empirique : a priori. " On peut appeler la conscience de cette loi un fait de la raison." Critique de la raison pratique, p.31 (PUF).

-        Critique pos.de ce " fait " : Critique de la factualité de la conscience de la loi. La ramener à une origine psychologique est pos.

-        Plus grave : l'intention bonne déresponsabilise à l'égard des conséquences. EX du résistant caché.

Malléabilité de la maxime :

æ  Se réfère au devoir mais chaque personne ne voit pas son devoir en la même chose: Un Japonais bouddhiste ne considérera pas son devoir de la même façon que le chrétien, toute culture définit des devoirs différent, tous résistent à une possible universalisation.

æ  Pos même de valider le fanatisme: un inquisiteur brûle une "sorcière " avec les meilleures intentions. Cf. SARTRE Morale de KANT est une morale vide.

On reste toujours confrontés au problème de la norme: On sait que ce qu'il faut c'est considérer nos actes selon une norme, c'est à dire se demander si la volonté à la base de notre acte est une bonne volonté, une volonté que l'on voudrait que tous aient, mais cela ne donne pas de normes, ce qu'il faudrait c'est pouvoir juger les valeurs

C'est bien de dire: Il faut pouvoir vouloir que tous veuillent la même chose que moi. mais ce n'est pas suffisant il faudrait une norme qui nous dise: vouloir que tous veuillent telle chose est meilleur que vouloir que tous veuillent telle autre:

Une morale de la liberté ne détermine pas positivement des valeurs elle considère la seule authenticité du choix, la reconnaissance de la liberté elle même, pour soi comme pour les autres. Elle consiste plutôt à considérer négativement tout ce qui chercherait à nier ou restreindre la liberté.  

 

B) Détermination des seules normes :

 

- Authenticité, reconnaissance de la valeur possiblement universelle de chacun de nos actes, ce que Sartre nomme la responsabilité.

- Eviction de tout ce qui nie la responsabilité : la valeur en soi des valeurs, ce que Simone de Beauvoir nomme le sérieux.

L’homme  sérieux « se débarrasse de sa liberté en prétendant la subordonner à des valeurs qui seraient inconditionnées » Simone de Beauvoir, Pour une morale de l’ambigüité  

- Eviction, bien entendu de toutes les formes d’oppression, mêmes les plus bienveillantes qui consiste à choisir pour les autres.

 

C) Le devoir et la liberté

 

- On peut voir que toute morale nécessite le postulat d'une inaliénable liberté humaine. On ne peut se reconnaître des devoirs que dans la perspective où nous aurions pu agir autrement. Une philosophie déterministe n'assigner à l'homme aucun devoir, cela ne signifie pas qu'elle ne cherche pas à enseigner ce qui est le meilleur pour l'homme, et la mesure de son pouvoir sur lui-même;  en considérant que cette information pourra éventuellement agir comme une cause sur la raison des autres hommes. "Chacun de nous a le pouvoir de se former de soi-même et de ses passions une connaissance claire et distincte, sinon d'une manière absolue, au moins d'une façon partielle, et par conséquent chacun peut diminuer dans son âme l'élément de la passivité." L'Ethique V, proposition 4, scolie. C'est toute la perspective d'une Ethique, dont celle de Spinoza est l'un des meilleurs exemples.